Politiques agricoles, commerce international, souveraineté alimentaire, sécurité alimentaire, ,…: un blog de Gérard Choplin

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PAC 2020: régimes assurantiels ? Une tribune de Jean-Christophe Kroll

A l’heure où plusieurs voix s’élèvent pour mettre les régimes assurantiels au coeur de la prochaine PAC, Jean-Christophe Kroll (Agrosup Dijon) nous éclaire sur la question.

 

Après les médecins de Molière, les fables de La Fontaine

Lorsque les agriculteurs, avec la complicité coupable de certains économistes dont je fais partie, demandent pour pouvoir exercer leur métier dans des conditions économiques satisfaisantes permettant d’éviter les gaspillages et les surcoûts de transaction multiples qu’induit l’instabilité des prix, on explique à ces ennemis du progrès qu’ils n’ont rien compris aux vertus de marchés dégagés du carcan de l’intervention publique et rendus à la libre concurrence.

Mais, lorsque les assureurs expliquent que, pour faire leur métier, ils ont besoin d’une intervention publique systématique parfaitement automatique garantissant un prix de marché minimum, et d’une garantie financière des pouvoirs publics pour se réassurer, ces exigences paraissent relever d’une responsabilité économique parfaitement justifiée.

Dès lors, puisqu’il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, de mobiliser la puissance et les fonds publics pour assurer les opérateurs, agriculteurs ou assureurs, contre le risque, la vraie question que devraient se poser les économistes n’est –elle pas de savoir quelle est la solution la moins couteuse : réguler les marchés agricoles ou réguler le marché des assurances agricoles ? Est ‘il vraiment sûr que cette seconde solution, qui consiste à livrer aux assureurs privés une clientèle agricole captive, en détournant une partie des fonds publics pour engraisser, sans aucune prise de risque, les actionnaires des compagnies d’assurance (ce que l’exemple des Etats-Unis tend à confirmer de manière spectaculaire), constitue vraiment un optimum économique, fût-il de second rang ?

Selon que vous serez puissant ou misérable….

                                                                                              Jean-Christophe KROLL, 06/04/2016

jc.kroll@agrosupdijon.fr

Réinventer l’agriculture

Réinventer l’agriculture
Gilles Luneau, rédacteur en chef de GLOBAL- 24 Février 2016
Aujourd’hui, crise laitière, crise bovine, crise porcine, hier crise du poulet, demain crise céréalière… La ferme France est gravement malade. Politiques et professionnels persistent à n’y voir que des malades isolés à qui on inflige des thérapies d’urgence. Pourtant, à l’instar de La Fontaine parlant des animaux malades de la peste, on peut aujourd’hui avancer à propos des paysans : ils ne meurent pas tous mais tous sont frappés, dans leur chair, leurs biens et leur esprit par un cancer nommé productivisme industriel. Qui aura le courage d’assumer le diagnostic ? Et de rédiger l’ordonnance.

paysans en colère

L’agriculture ne peut pas s’extraire de la vie et de la société. La société, au niveau mondial, vit une crise aux visages multiples et sans précédent dans l’histoire des civilisations humaines. Crise économique depuis les années 73-74, crise financière depuis le crack boursier de 2008 avec la crise sociale qu’elles entrainent ou aggravent ; crise des ressources naturelles disponibles ; crise démographique ; crise écologique avec la chute dramatique de la biodiversité et le réchauffement climatique. On peut légitimement se poser la question d’une crise globale, d’une crise de modèle non seulement économique mais d’une crise de mode de vie. En fait, c’est beaucoup plus qu’une crise, et le changement climatique en cours nous en fournit la preuve : nous avons mené une véritable guerre à la Terre depuis le milieu du XIXe. Une guerre d’épuisement pour ne pas dire d’extermination.

Ces dernières années, nous semblons découvrir le désastre, nous nous étonnons encore que la Terre réagisse. Elle ne se laisse pas faire. Nous avons tant dépassé tous les seuils de destruction de la biodiversité avec tout ce que cela implique de déséquilibres écosystémiques, de destruction des milieux naturels par l’extraction minière, par la déforestation, la poldérisation, l’urbanisation, la fragmentation des territoires, les pollutions de l’eau, du sol, de l’air que nous avons définitivement changé la Terre et la nature qu’elle porte. C’est ce que les scientifiques appellent désormais notre entrée dans l’ère de l’anthropocène. Le constat du Groupe d’experts intergouvermental sur l’évolution du climat (GIEC) est là et nul ne peut plus l’ignorer.

Il ne s’agit plus de discourir sur les causes d’une crise qui serait passagère, nous sommes sur le champ de bataille de la guerre que nous avons mené contre la nature. Il s’agit de regarder devant, de trouver les chemins de la paix et de la reconstruction d’une vie qui ne sera jamais plus comme avant la carbonification de notre atmosphère. Nous en avons pris pour des siècles, il faut s’en rendre compte. Ce n’est pas nécessairement catastrophique, mais il faut accepter de revoir entièrement notre mode d’habiter la Terre ; trouver les initiatives humaines et les innovations techniques qui vont permettre de muter vers une société décarbonée. Il ne faut pas se bercer d’illusion : il va y avoir économiquement des gagnants et des perdants, c’est tout l’enjeu du débat démocratique et des politiques publiques qui en sortiront.

Par un processus qui tient autant de l’engluement de notre inconscient collectif dans une notion de progrès – elle-même forgée dans une conception scientifique, économique et politique de domination de la nature – que des manœuvres des lobbies économiques, nous avons forgé une armure idéologique qui fausse notre vision du monde. Les oeillières qui la caractérisent s’appellent croissance, PIB, compétitivité, parcellisation des tâches et des savoirs, soumission à une vision cartésienne de la société.

A l’heure où l’on revisite les modes de production, de vie et d’organisations à l’aune de leur addiction au carbone, on doit aussi s’interroger sur l’organisation en filières de l’agriculture française. Elle est le reflet de l’idéologie industrielle, technique, qui la structure et la précipite à sa perte aujourd’hui.

Urgence climatique
L’agriculture est le premier secteur concerné par le changement climatique, tant celui-ci impacte l’ensemble des facteurs et ressources nécessaires à son bon exercice. Le gain en croissance des végétaux dans l’hémisphère nord ne sera pas suffisant pour compenser les baisses de production dues à la raréfaction de l’eau, l’appauvrissement des sols et leur désertification dans les régions les plus exposées aux extrêmes climatiques. Même contenu, même atténué, le changement climatique oblige les agricultures du monde à s’adapter. Le modèle agronomique de la « révolution verte », basé sur l’intensification de la production par les engrais minéraux et de synthèse, la concentration des exploitations, l’irrigation et la mécanisation doit être révisé en fonction des nouvelles contraintes pédo-climatiques, de l’eau renouvelable disponible, de la biodiversité et de la réduction des émissions de GES. On va manger plus local, moins carné, avec des variétés rustiques de végétaux, mais peut-être aussi aller puiser dans les algues ou les insectes les nutriments nécessaires à notre santé.

Formatage industriel
Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, l’agriculture française s’est organisée selon le modèle industriel. On a jeté aux orties les siècles de savoir-faire, les variétés végétales et animales, fruits d’une longue sélection des écosystèmes locaux, pour leur préférer une simplification ancrée dans la pensée d’ingénieur, la logique technique. Véritable normalisation dévastatrice de pratiques, de pensées, de liens sociaux, d’écosystèmes. On en dira jamais assez combien la pensée d’ingénieur est dictatoriale en ce sens qu’elle soumet le monde au diktat mathématique le plus élémentaire : du basique qui élimine ce qui le gêne – le hasard, l’imprévu, le subjectif, les affects, la créativité – dans la mise en équation du monde. Qui plus est, cette pensée se structure autour des moyens techniques qu’elle a à sa disposition et qu’elle façonne au fur et à mesure de ses besoins, sans jamais remettre en cause le postulat de départ qui peut être erroné ou simplement obsolète. Très vite, c’est donc la technique disponible qui engendre la pensée d’ingénieur. C’est vulgairement illustré par les expressions « il n’y a pas de problème, que des solutions » ou « cet appareil, cette technique, vont révolutionner la production » ou encore « c’est la faute à l’ordinateur ». De cette pensée affaiblie et soumise à l’empire technique est né le concept de filière agricole. L’idée de base est très simple : rassembler les différents acteurs d’une production, de l’amont à l’aval, car ils ont des intérêts communs. L’idée est séduisante en ce qu’elle évacue la complexité de l’acte agricole, son interdépendance avec le milieu naturel.

Echec gravissime avéré
Le gros problème, c’est que la culture et l’élevage sont des activités de dialogue avec le vivant dans toute son arborescence, toutes ses multiples interactions (entre espèces, avec le milieu, le lieu, l’être humain). Rien à voir avec une usine métallurgique où la fabrication d’une pièce n’est déterminée que par un cahier des charges de données physiques ou chimiques, d’outilset de gestes, prévisibles et prévus. Contrairement à l’agriculture qui se pratique avec des facteurs aléatoires tels le climat, la génétique, la biochimie du sol, la qualité de l’air, de l’eau et l’humeur du paysan. Ce qui est réductible en gestes économes sur une chaîne de montage automobile, devient vite catastrophique à la ferme. Nous l’avons sous les yeux avec les élevages concentrationnaires où nous considérons les animaux comme les objets d’un processus de production; avec les grandes monocultures ravageuses du sol, de la biodiversité et du paysage. Avec le lent empoisonnement par la chimie agricole, là encore pur produit de la logique technique : on ne s’interroge pas sur la venue d’un prédateur ou le surgissement d’une maladie, on réduit le fait à un dysfonctionnement auquel il faut une solution rapide ; solution illusoire comme le prouve, par exemples, l’histoire des résistances aux herbicides et la mutation des pathogènes.

Oser le bilan
Il est grand temps de rompre avec l’organisation industrielle de l’agriculture! Elle repose sur des associations spécialisées de producteurs (et non plus de paysans) et l’organisation en filière de production. On n’y raisonne pas en fonction des besoins d’un territoire mais d’objectifs nationaux et internationaux définis par les exigences de rentabilités des acteurs non-paysans de la filière (industrie agroalimentaire, grande distribution, industrie de la génétique, machinisme agricole). Rappelons que les crises actuelles (bovine, porcine, laitière) touchent 10% des élevages français, majoritairement les plus industrialisés (chiffres ministère de l’agriculture).

La filière est l’outil principal du productivisme. Certes, elle a permis de produire les volumes nécessaires quand il a fallu, après la Seconde guerre mondiale, reconquérir l’autosuffisance alimentaire du pays. Par, contre elle n’a pas su se réguler et, pire, elle a d’une part fait baisser les prix agricoles car c’est un système dont la logique est la destruction continue de la valeur du travail (l’homme y devient une variable d’ajustement économique) ; d’autre part, elle a accru la concurrence entre paysans sur un même territoire, chaque crise se soldant par l’élimination d’une partie d’entre eux (concurrence acharnée pour l’agrandissement, les droits à produire, les terres) et entre régions (parce que la filière ne se pense jamais comme accès à une demande limitée par la démographie d’un territoire mais toujours à une demande croissante fictive, dont le mythe de l’exportation est un ressort). A chaque crise, au nom de la préservation de « l’outil de production », les grosses fermes dévorent les petites : la filière est mère de la concentration de la production agricole. Elle a ruiné et détruit la société paysanne et rurale. Il nous faut penser la séparation de la filière d’avec le productivisme.

La filière est au cœur du système d’endettement des agriculteurs, pour le plus grand bénéfice de l’amont (qui vend au plus cher) et de l’aval (qui veut la matière première au prix le plus bas). Seul l’agriculteur prend les risques économiques. C’est lui qui emprunte pour les bâtiments, le matériel, le cheptel sans pour autant pouvoir négocier ni ses prix d’achats … ni ses prix de vente. La filière a un effet ciseau sur le paysan qui le ruine et le pousse aujourd’hui au suicide (un suicide d’agriculteur tous les deux jours).

La filière est un facteur de perte d’indépendance de la ferme, un outil de soumission du paysan aux multinationales. Aujourd’hui les filières sont largement contrôlées par les grands groupes industriels agroalimentaires, coopératives comprises. Recherche et génétique en amont, transformation et distribution en aval. Une filière est segmentée par acteurs avec très souvent une parcellisation des tâches. Par exemple la filière « poules pondeuses » est segmentée en « multiplicateurs » de poulets d’une race hybride qui fournissent des œufs à des « accouveurs » qui font éclore les œufs et trient les poussins (on ne garde que les femelles) ; ces poussins sont confiés à des « éleveurs de poulettes » qui fournissent les poules pondeuses aux « producteurs d’œufs ». La filière s’organise d’abord autour du produit et de son prix, d’où la recherche de la compétitivité … jusqu’à l’autodestruction de la filière. Elle est rarement organisée autour des hommes – producteurs et consommateurs – et autour de la qualité (et c’est même vrai dans les AOP).

La filière produit le plus souvent une « pensée en silo », abandonnée à sa seule logique technique. On n’y fait peu de cas de « l’horizontalité de la ferme » : rapport au sol, aux voisins, aux approvisionnements et besoins locaux, aux biens communs, aux visions d’aménagement et de développement du terriroire, au vivre ensemble, au paysage.

La filière fausse le rapport à l’espace et au temps. Dans une organisation verticale, la pensée l’est aussi et évacue la complémentarité entre agriculture et territoire. L’agriculteur pense plus souvent aux contraintes de l’amont et de l’aval qu’à l’insertion de son activité dans le territoire. Le rapport au temps n’est plus celui des saisons et des rythmes biologiques des animaux mais celui qu’on doit leur imposer pour répondre à la demande des industries d’aval. Chez les végétaux, la filière les a adaptés aux besoins de la mécanisation, au détriment de certaines qualités botaniques et au détriment des sols, compactés par les engins, dévitalisés et pollués par la chimie de synthèse.

La filière est le véhicule des normes. Les normes sont l’expression d’une pensée. La pensée industrielle européenne ne produit pas les mêmes normes que la pensée nord-américaine car historiquement elles sont le produit de rapports de forces différents entre le social et l’économico-politique. Les normes, c’est tout l’enjeu des tractations secrètes actuelles du Traité de libre échange transatlantique (TTIP/TAFTA).

La filière allonge la distance entre la ferme et le consommateur, au détriment économique des deux.

La crise syndicale actuelle est un fruit de la faillite du modèle filière. La contestation de la FNSEA par ses membres, la désyndicalisation, la radicalisation populiste traduisent le désespoir des agriculteurs face à l’anthropophagie du système filière. Il ne fait plus rêver personne. A chaque crise on se dit c’est à qui le tour de disparaître ? Depuis la Libération, le syndicalisme agricole a épousé sans réserve la logique industrielle de développement. Les coopératives qu’il contrôle dévorent leurs adhérents avec le même appétit que les entreprises privées. Cette idéologie technique a fait rêver les paysans en promettant de leur faire quitter leur condition pour leur donner la reconnaissance d’un métier. Confiants, les femmes et les hommes de la terre sont devenus des professionnels avec un diplôme d’agriculteur. Puis le métier d’agriculteur n’a plus satisfait l’industrie agroalimentaire qui a exigé de chaque exploitant agricole qu’il se spécialise (porc, bovin, volaille, grandes cultures…). Ensuite, l’industrie a imposé une segmentation de la spécialité (naisseurs, engraisseur, multiplicateur de semences, maïsiculteur…). Le syndicalisme a toujours suivi, multipliant les associations spécialisées et les filières. Nous abordons maintenant la phase de substitution de ce qui reste d’agriculteurs par des robots. Il y en aura bientôt au volant des tracteurs. Et les premiers essais de fabrication de viande artificielle sont concluants. Que va faire le syndicalisme ? Défendre les filières d’usines automatisées de production d’aliments ?

Réinventer l’agriculture
Constat fait de la rupture de savoir agronomique de ces cinquante dernières années, il nous faut réinventer l’agriculture. Cette réinvention passe par l’abandon de l’actuelle organisation en filières industrielles. Mon propos n’est pas de dire qu’il faut abandonner le principe de complémentarité d’acteurs qui fonde les filières mais de le remettre à plat de l’amont à l’aval. Comme on doit revoir de fond en comble l’organisation générale de la société en fonction de ses émissions de gaz à effet de serre et son empreinte écologique.

Il faut redéfinir le cadre conceptuel des filières en les territorialisant, en intégrant les exigences de l’agro-écologie et les contraintes (atténuation, adaptation) du changement climatique. Sans omettre d’introduire cette nouvelle approche dans l’enseignement et la formation agricoles, ce qui veut dire aussi arrêter d’enseigner l’agriculture industrielle.

Réinventer les filières avec les contraintes de l’atténuation du réchauffement climatique et de l’adaptation aux changements qu’il induit, cela veut dire rompre avec les critères de base de l’agriculture industrielle enracinée dans le pétrole et la chimie de synthèse qui en découle. Diminuer les émissions de dioxyde de carbone mais surtout de méthane et de protoxyde d’azote conduit à revoir les modes d’élevage et leur niveau de productivité ; revoir le travail et l’entretien des sols, la consommation d’eau, la consommation d’énergie fossile (machinisme, transport) ; la consommation d’énergie sur la ferme ; la lutte contre le gaspillage (des ressources naturelles, des denrées alimentaires) ; l’utilisation des pesticides ; l’adaptation du matériel génétique aux nouvelles conditions climatiques (races et variétés rustiques, échanges d’expériences, tests…). On a plus que jamais besoin des semences paysannes, réservoirs de gènes endormis gardant la mémoire d’autres régimes climatiques.

Rompre avec la fragmentation de la pensée, c’est avoir une stratégie de développement des territoires positionnant l’agriculture comme une des actrices centrales de la vie. L’identification des enjeux collectifs généraux, les impacts socio-économiques des productions agricoles, la prévention de la santé, impliquent d’incorporer dans la gouvernance locale, régionale, la dimension de gouvernance alimentaire.

Par son impact sur le milieu naturel, l’agriculture a des responsabilités dans la préservation de la biodiversité domestique et sauvage. La biodiversité se préserve « horizontalement » et réclame donc une pensée d’écosystèmes.

Réfléchir à la territorialisation des filières, à leur interaction avec leur milieu géographique et humain, c’est aussi étudier l’intégration des activités agricoles et agroalimentaires dans l’économie collaborative et l’économie circulaire du territoire considéré. Le développement, la transition énergétique et écologique ne peuvent se penser acteur par acteur mais avec l’ensemble des acteurs. Cela va jusqu’à l’implication dans la démocratie locale. Une filière doit satisfaire au développement durable du territoire de ses différents acteurs. Par exemple, la production d’énergie par les exploitations agricoles se pense à l’échelle locale/régionale et non pas comme un tuyau vers le réseau national. Dans cet esprit, le travail en réseaux prend toute son importance : réseaux locaux d’entreprises, de moyens, de clients, de consommateurs.

Le comportement des consommateurs évolue aussi avec les enjeux du changement climatique : le développement des circuits courts, l’agriculture urbaine, la baisse de la consommation de viande, autant de tendances qu’il faut aussi intégrer dans la révision de la carte territoriale agricole.

Recouvrir une pensée globale des interactions locales suppose de dépasser la conception spatiale du territoire, pour penser les territoires tels qu’ils sont vécus : multiples, se chevauchant, jamais statiques. Territoire-contenant (administratif, politique) ; territoire construit (par les activités de production, la culture, les loisirs, les regroupements d’acteurs autour d’un sujet, d’un problème) ; territoire de la mobilité (ex : les gares devenant des espaces de shopping).

Cette pensée globale des interactions locales doit pouvoir s’élaborer dans des lieux de confrontation des approches. On pourrait envisager d’ouvrir les Chambres d’agricultures à la société civile, aux différents usagers de la nature. Elles pourraient devenir des « Parlements régionaux de la nature » où s’harmoniseraient les champs de la gouvernance (alimentaire, écologique, climatique, économique…), où la nature aurait une place politique.

Imaginer un instant que l’on mette ce dispositif en place pour que l’ensemble de la société s’empare, par région, des crises agricoles précitées et tende la main aux agriculteurs en détresse ? Chaque région s’emparerait de la politique agricole : étudier les urgences, évaluer l’autonomie et la sécurité alimentaire régionales, prendre les décisions en conséquences. A partir de là, réclamer le pilotage des aides d’urgence du ministère de l’Agriculture et de l’Union européenne. Pilotage sur projet politique précis. Mobiliser la société civile pour faire société autour des agriculteurs en crise. Pour leur dire « vous n’êtes pas seuls » et travailler ensemble aux solutions.

Courage politique
La gravité de la situation actuelle exige de sortir des clivages syndicaux ou corporatistes. Il faut tendre la main aux naufragés, même si l’on peut penser qu’ils sont à la fois les victimes et les acteurs de leur malheur. Parce que sont des femmes et des hommes dans la détresse, abandonnés par les responsables – politiques, syndicaux- qui les ont conduit dans ce modèle économique. Nous avons aussi l’obligation stratégique de remettre à plat notre modèle agricole car c’est de notre nourriture quotidienne dont il s’agit. Il est donc légitime que chacun-ne s’en inquiète.

Les solutions alternatives à l’agro-industrie ont fait leurs preuves, elles protègent aujourd’hui l’agriculture paysanne de la crise. Il faut maintenant changer d’échelle. Mais les réussites d’autres modèles agronomiques restent de toute façon hors de portée d’un éleveur étranglé par les dettes et coincé dans un appareil de production intransformable. Désespérément seul face aux créanciers. Il faut être capable de lui proposer une solution d’urgence et une vision stratégique, collective, pour s’en sortir. Au rayon des solutions d’urgence, il y en a deux de bon sens : interdire la vente à perte au niveau européen et limiter les volumes de production. Cela permettrait de s’asseoir calmement autour d’une table pour discuter de l’avenir. Pour réfléchir aux régulations à mettre en place qui ne favoriseraient pas les élevages industriels. Pour plafonner les aides européennes et garantir un revenu minimum aux petites fermes. Pour soutenir la conversion à des pratiques agricoles climato-compatibles. Pour créer des exportations agricoles équitables intra-européennes.

Désindustrialiser les filières redonne à l’agriculture et à la nourriture une place centrale dans la société et peut devenir un levier puissant de la transition écologique. Nous avons aussi besoin de cette réflexion pour affronter la concurrence internationale, pour lui opposer un modèle performant non sur le terrain du prix bas mais performant en qualité des produits, en social, en dimension écologique, en qualité de vie. La négociation en cours sur le traité de libre échange transatlantique est une bataille de normes. Les nôtres s’inventent aujourd’hui dans la désindustrialisation de l’agriculture. Des normes de résistance positive.

C’est donc un énorme chantier qu’il faut ouvrir maintenant car, sous le temps long agricole, il faut du temps, et une vision, pour réorienter la Ferme sans provoquer de rupture de l’offre alimentaire. Pour ne pas regretter ces prochaines années les choix que l’on ne voudrait pas faire aujourd’hui. Du temps, une vision et du courage politique. Denrées rares.

http://www.globalmagazine.info/2016/02/24/lagriculture-malade-de-lindustrie-1456338967

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Commerce international agricole: 5 règles à changer pour la souveraineté alimentaire

Roppa-livret-FR

africa

L’OMC réunit actuellement à Nairobi sa conférence ministérielle. A cette occasion , voici, en document joint, la proposition du ROPPA (Réseau des organisations paysannes de l’Afrique de l’Ouest) pour changer les règles actuelles du commerce international agricole, qui datent de 1994.

5 règles de l’OMC à changer pour la souveraineté alimentaire:

  • ré-autoriser les exceptions agricoles du GATT sur la protection à l’importation,
  • réformer la définition du dumping dans le GATT et l’accord anti-dumping,
  • abolir la distinction des subventions  dans l’AsA selon leur niveau supposé de distorsion des échanges,
  • ré-écrire l’article 9 de l’AsA: « toutes les subventions internes aux produits exportés sont des subventions à l’exportation. »
  • changer les règles de l’AsA sur les stocks publics.

 

Contribution aux controverses de Marciac sur la coexistence entre modèles agricoles

http://www.agrobiosciences.org/article.php3?id_article=3995#nb1

Modèles agricoles, paysans, agribusiness,… :

Au-delà des mots : des processus, des réalités et des choix politiques

 

Le débat agricole est souvent encombré de mots ou d’expressions qui se heurtent à l’impossibilité de les définir : petite/grande exploitation, agriculture familiale,  agriculture industrielle,…. Ils cachent en fait des processus bien réels, d’abord perçus par ceux qui en sont les victimes. L’agrandissement des exploitations se fait aux dépends d’exploitations plus petites. L’industrialisation et la financiarisation de l’agriculture marginalise les exploitations plus autonomes, où les moyens de production sont encore aux mains des agriculteurs.

Plutôt que de chercher des frontières entre « modèles », le débat doit porter sur les processus à l’œuvre, résultats de politiques menées et susceptibles d’être changées. Bien sûr qu’à l’instant t de nombreuses formes d’agriculture coexistent, mais leurs dynamiques sont bien différentes.

Un cas d’école dans ce débat reste celui du « modèle agricole européen », leurre[1] lancé en 1998 par le Copa[2], repris par  la Commission européenne avant la réforme PAC de l’Agenda 2000 et la conférence OMC de Seattle de  1999.  Ceux-là mêmes qui ont poussé à l’industrialisation-américanisation de l’agriculture européenne mettaient tous les agriculteurs européens dans un même sac sous-entendu plus vertueux, plus légitime à recevoir les paiements directs sans plafond de la boîte verte[3]. C’était faire fi de la réalité : les élevages industrialisés de porc au Danemark ou en Bretagne, et la culture extensive de l’olivier dans les montagnes grecques  faisaient-ils partie du même modèle agricole européen ?

Le leurre a échoué à l’OMC, mais a quand même fonctionné dans le débat PAC en empêchant une remise en cause de modes de production industrialisés aux externalités négatives coûteuses pour les contribuables/ consommateurs/environnement.

Ici la coexistence était poussée à l’extrême, niant la grande diversité des situations, des modes de production, des structures pour mieux occulter qu’une partie de l’agriculture se développe aux dépends des autres.

La réalité,  ce sont les résultats des processus à l’œuvre :

– En 2010, 3% seulement des exploitations agricoles de l’UE contrôlaient 50% des terres agricoles (pour la France, 18% des exploitations exploitent 59% de la surface agricole). La PAC, avec des aides à l’hectare quasi non plafonnées depuis 1992, n’y est pas pour rien…..

– En 2013, 1,7% des bénéficiaires des aides PAC – celles recevant plus de 50.000€-  touchaient 1/3 de l’ensemble des aides, tandis que 79% des bénéficiaires – celles recevant moins de 5000€- touchaient seulement 16% des aides.

– Entre 2003 et 2010, l’UE a perdu 20% de ses exploitations, soit 3 millions.

On peut continuer à clamer qu’il faut faire vivre toutes les agricultures, qu’il y a de la place pour tout le monde et que la diversité des exploitations et des territoires est une richesse de l’UE. La réalité est autre : les politiques agricoles et commerciales favorisent très largement la concentration et l’industrialisation de la production et les financent, accordant des miettes aux autres processus (circuits courts, agro-écologie, autonomisation,….). La diversité agricole de l’UE se restreint, des territoires agricoles se vident et le régime crétois n’a aucun sens avec des légumes de serre industrialisée.

Mais le productivisme agricole et les politiques agricoles et commerciales néolibérales se trouvent aujourd’hui face à des défis qu’ils sont incapables de relever : volatilité des prix destructrice, réchauffement climatique, perspectives de l’après-pétrole, externalités négatives de plus en plus chères – environnement, santé, chômage, désarticulation territoriale-, …..

Les exploitations agricoles qui ont fait le choix de plus d’autonomie par rapport à l’aval (circuits courts) et l’amont (agro-écologie) résistent mieux aux crises récurrentes, tandis que les initiatives paysannes et citoyennes se multiplient pour relocaliser la production/consommation, avec un engouement certain des consommateurs, qui aiguisent quelques appétits de l’aval. Est-ce là la relève et la réponse aux défis cités ?

Pour cela, il faudra qu’elles dépassent une partie encore marginale du marché, ce qui suppose qu’un nouveau cadre de politique agricole et commerciale (européen, international) change les priorités.

On ne répondra aux défis qu’en inversant les processus actuels de concentration et d’industrialisation. Exploitations paysannes et agro-business coexisteraient encore, mais avec des dynamiques inversées.

Gérard Choplin

[1] Voir le communiqué de la Coordination Paysanne Européenne du 8-9-98 : https://gerardchoplin.wordpress.com/1998/09/08/le-modele-agricole-europeen-un-leurre/

[2] Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne

[3] Instrument instauré à l’OMC par l’UE et les USA, qui leur a permis d’accorder, sans limite, des subventions découplées de la production. En lien avec l’abaissement des prix agricoles européens aux prix mondiaux, qui approvisionnent l’aval à bon marché, les subventions de la boîte verte permettent de continuer à exporter à des prix souvent inférieurs aux coûts de production européens.

Références:

  • “Souveraineté alimentaire: que fait l’Europe ? »

Ouvrage collectif  coordonné par Gérard Choplin, Alexandra Strickner, Aurélie Trouvé- Syllepse- 2009

http://www.syllepse.net/lng_FR_srub_97_iprod_428-souverainete-alimentaire-que-fait-l-europe-.html

  • Etude du Parlement Européen sur la concentration et l’accaparement des terres agricoles en Europe– mai 2015

http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/540369/IPOL_STU(2015)540369_EN.pdf

tableaux pages 24 -25, 32 –  voir communiqué ECVC http://www.eurovia.org/spip.php?article758

  • Répartition des paiements directs par tranches de paiement direct dans UE-28 et Etats membres :

http://ec.europa.eu/agriculture/statistics/agricultural/2013/pdf/c6-1-361_en.pdf  tableau 3.36.1.14- page 11

  • 2014, année internationale de l’agriculture familiale : mise en scène ou opportunité ?

https://gerardchoplin.wordpress.com/2013/12/18/68/

Ammoniac et agriculture/élevage intensifiés: effet de serre et particules fines

US hog farm

Ci-dessous un article très bien documenté de Patrick Sadones, paysan en Vallée de Seine, sur les émissions d’ammoniac en agriculture, que l’on peut résumer ainsi:

– l’ammoniac se transforme dans l’air en protoxyde d’azote (N2O), très puissant gaz à effet de serre.

l’intensification  de l’agriculture a fortement contribué à l’augmentation de ces émissions d’ammoniac : engrais minéraux azotés sous forme liquide, effluents des élevages sans pâturage, méthanisation.

Les émissions agricoles d’ammoniac dans l’air, représentant 97,5% des émissions nationales de ce gaz, sont au cœur de deux problématiques d’intérêt général majeures :

–     La pollution de l’air aux particules fines, l’ammoniac étant précurseur de particules fines inorganiques secondaires, souvent en cause lors des pics de pollution, en particulier au printemps.

– Les émissions de protoxyde d’azote N2O, très puissant gaz à effet de serre à longue durée de vie dont l’ammoniac est le principal précurseur, à 89% d’origine agricole dans notre pays.

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Pollution d’origine agricole : et l’ammoniac ?

La question des émissions d’ammoniac ( NH3) dans l’air est encore très largement occultée en France. Celles-ci sont essentiellement d’origine agricole ( 662 000 tonnes en 2012 imputables à l’agriculture sur un total de 679 000 tonnes , soit 97,5% –  source CITEPA 2014, France métropolitaine – www.citepa.org ), et sont produites surtout lors des épandages d’engrais azotés et d’effluents d’élevage. Dans l’air l’ion ammonium NH4+ se combine par nucléation avec des ions nitrates ( eux-mêmes issus en partie de l’ammoniac) et sulfates pour former, après condensation et coagulation, des particules fines inorganiques secondaires, qui dans nos régions sont souvent à elles seules responsables des dépassements de plafond de particules fines dans l’air, en particulier lors des pics de pollution de printemps.  La « Profession Agricole », pour utiliser le terme consacré, semble découvrir ce problème seulement maintenant, à l’occasion des concertations en cours organisées par les DREAL sur l’élaboration des Plans de Protection de l’Atmosphère.

D’autre part, la volatilisation de l’ammoniac dans l’air conduit indirectement à des émissions de protoxyde d’azote ( N2O ), tout comme le lessivage des nitrates. Le N2O est un gaz à effet de serre 298 fois plus puissant que le CO2, et dont le secteur agricole est de très loin le principal émetteur : 163 000 tonnes pour l’agriculture en 2012, sur les 184 000 tonnes de N2O émises cette année – là en France métropolitaine, selon le CITEPA. Le N2O constitue  d’ailleurs la principale contribution de l’agriculture à l’effet de serre devant le méthane et très loin devant le CO2, qui ne représente qu’à peine 20% des émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole. Pour cette raison, et à la différence des autres secteurs économiques, qui émettent principalement du CO2, l’analyse du « bilan carbone » des activités agricoles, ou mettant en jeu des produits agricoles, par exemple la production d’énergie à partir de produits d’origine agricole, n’est pas du tout pertinente pour évaluer l’impact effet de serre de ces activités. Selon les calculs du GIEC ( IPCC 2006), sur un kilogramme d’azote volatilisé dans l’air, 10 grammes se retrouvent dans l’atmosphère sous forme de N2O, et sur un kilogramme d’azote lessivé sous forme de nitrates, 7,5 grammes est converti par la suite en N2O. Ces quantités paraissent faibles, mais compte tenu du très fort pouvoir de réchauffement global du N2O, l’impact effet de serre de ces phénomènes est considérable : 4,7 kg équivalent CO2 par kg d’azote volatilisé, et 3,5 kg équivalent CO2 par kg d’azote lessivé sous forme de nitrates.

La France a ratifié le protocole de Göteborg sur la réduction des émissions de polluants atmosphériques, s’étant ainsi engagée, d’ici 2020, à réduire les émissions d’ammoniac dans l’air d’un plutôt modeste 4% par rapport au niveau de 2005.

L’évolution des techniques et l’intensification que l’agriculture a connu ces dernières décennies ont fortement contribué à l’augmentation de ses émissions d’ammoniac :

  • Pour les cultures, l’utilisation des engrais minéraux azotés sous forme liquide s’est généralisée, représentant en 2012 580 000 tonnes d’azote minéral épandues, sur un total de 2 millions de tonnes. Par rapport à l’utilisation d’engrais sous forme solide, elle permet une meilleure régularité de la répartition de l’engrais au champ ainsi qu’une largeur de travail plus grande, donc un débit de chantier plus élevé. Mais la proportion d’azote volatilisé dans l’air lors de l’épandage s’en trouve accrue de façon significative. Le CITEPA évalue pour 2012 à 162 000 tonnes les quantités d’ammoniac volatilisées dans l’air lors des épandages d’engrais minéraux, soit près de 133 000 tonnes d’azote perdues.
  • Pour ce qui est de l’élevage, le CITEPA, en lui imputant les émissions occasionnées par les épandages d’effluents d’élevage et les pâtures, estime à 500 000 tonnes ses pertes d’ammoniac dans l’air en 2012, dont 340 000 tonnes pour l’élevage bovin ( 127 000 tonnes pour les seules vaches laitières). Conséquence de ce qu’il est convenu d’appeler la « restructuration » de la production laitière à l’œuvre depuis un demi siècle, c’est-à-dire la concentration de la production laitière sur un nombre plus réduit de troupeaux de plus grande taille, la part de l’herbe pâturée dans la ration des animaux a diminué au profit de celle des aliments distribués à l’auge. Au-delà de 80 – 100 VL par étable, les animaux ne pâturent plus de façon significative. Or, le passage de systèmes laitiers herbagers à des systèmes sans pâturage s’accompagne, entre autre, de profondes modifications dans le cycle de l’azote. En effet, lorsqu’une vache urine en pâture, l’urée et l’acide urique s’infiltrent rapidement dans le sol, avant que ces produits ne s’hydrolysent en libérant de l’ammoniac, retenu par le complexe argilo-humique du sol. Au contraire, lorsqu’une vache urine sur du béton, il n’y a évidemment pas d’infiltration, et une partie importante de l’azote excrété se trouve rapidement volatilisé, d’autant plus que l’urine se trouve mélangée aux bouses qui contiennent des uréases, enzymes catalysant l’hydrolyse de l’urée en ammoniac et CO2. Il est faux de dire que les vaches en pâture excrètent davantage d’azote que les vaches en stabulation. A niveau de production identique et avec une ration équilibrée elles en excrètent autant mais celui-ci est plus efficace pour recharger la solution du sol en azote que celui excrété par les vaches qui restent à l’intérieur des bâtiments, d’autant plus que dans ce dernier cas s’ajoutent à la volatilisation rapide de l’azote excrété par les animaux les pertes par volatilisation lors du stockage, de la manipulation et de l’épandage des effluents. La même évolution, avec les mêmes conséquences, est observée pour la production de viande bovine. Certes, le troupeau allaitant est encore très majoritairement dans les pâturages, mais la production traditionnelle de bœufs, élevés à l’herbe, a quasiment disparu, au profit de l’élevage de taurillons en bâtiments.

662 000 tonnes d’ammoniac perdues à l’atmosphère chaque année par l’agriculture de notre pays, soit 545 000 tonnes d’azote… A cela s’ajoutent évidemment les pertes d’azote par lessivage, que l’on peut sans doute évaluer à 20 kg d’azote par hectare, sur environ 20 millions d’hectares de cultures annuelles et de prairies. Il s’agit là probablement d’une hypothèse basse, que les nombreuses mesures en cours sur les bassins d’alimentation de captage prioritaires permettront d’affiner. Ca fait 400 000 tonnes d’azote supplémentaires perdues… Les pertes d’azote d’origine agricole, soit par volatilisation de l’ammoniac dans l’air, soit par lessivage des nitrates, représentent environ la moitié des quantités d’azote épandues par les agriculteurs sous forme d’engrais de synthèse… En appliquant à ces deux chiffres les coefficients de conversion en N2O prescrits par le GIEC, les impacts effet de serre de la volatilisation de l’ammoniac et du lessivage des nitrates s’élèvent respectivement à 5 450 et 3 000 tonnes d’azote sous forme de N2O, soit 13 280 tonnes de N2O, ce qui équivaut à près de 4 millions de tonnes équivalent CO2.

Aujourd’hui, se développe une nouvelle technique qui risque fort d’aggraver considérablement les émissions d’ammoniac dans l’air, avec, en corolaire, une augmentation des émissions agricoles de protoxyde d’azote, pourtant déjà considérables, et de la teneur en particules fines inorganiques secondaires dans l’air, pourtant déjà excessive à certaines périodes de l’année. Il s’agit de la méthanisation, technique ayant aujourd’hui le vent en poupe car sensée permettre de réduire nos émissions de gaz à effet de serre grâce à la production d’une énergie qualifiée de « renouvelable », le biométhane, utilisable en substitution à une source d’énergie d’origine fossile, et aussi de conforter le revenu des agriculteurs se lançant dans cette entreprise. Le plan gouvernemental de développement de la méthanisation a en effet l’ambition de porter à 1500 le nombre de méthaniseurs en fonctionnement sur le territoire à l’horizon 2020, contre 150 aujourd’hui…

La méthanisation présente en effet l’inconvénient de transformer pratiquement la totalité de l’azote entrant dans le digesteur en ammoniac. Seul est conservé dans sa forme organique initiale, ou partiellement altérée, l’azote constituant les molécules non dégradées par les bactéries méthanogènes.  A la sortie du digesteur, presque tout l’azote entrant se retrouve donc en solution dans la phase liquide du digestat, avec une forte tendance à se volatiliser dans l’atmosphère dès lors que cette phase liquide est exposée à l’air libre…

L’examen du projet de la SCEA de la côte de Justice, sur les communes de Buigny Saint Maclou et Drucat , dans la Somme, plus connu sous le nom de « Ferme des Mille Vaches », va permettre d’illustrer le propos.

A la lecture de l’arrêté préfectoral du 1er février 2013 , autorisant Monsieur Ramery à exploiter un méthaniseur de  9000 mètres cube alimentant en gaz une unité de cogénération d’une puissance de 1,338 MW électriques ( et 1,745 MW thermiques ), le tout étant adossé à une « étable » de 500 vaches laitières et la suite ( en attendant mieux probablement), il apparaît à première vue que l’enjeu ammoniac a été pris en compte :

  • L’épandage de la phase liquide du digestat sera effectué avec des citernes équipées d’enfouisseurs, matériel permettant effectivement de limiter très fortement la volatilisation de l’ammoniac au moment de l’épandage, avec toutefois l’inconvénient de réduire très significativement les périodes d’épandage, puisque le passage des enfouisseurs détruit le couvert végétal en place.
  • Pour les locaux fermés équipés de conduits d’aération, des plafonds d’émission d’ammoniac à ne pas dépasser ont été définis : 70 kg d’ammoniac par an pour le bâtiment process, et 876 kg par an pour le local cogénération…

Il se trouve pourtant que l’essentiel est ailleurs. L’arrêté préfectoral indique en effet à l’article 1.2.5 que « Après centrifugation et évaporation du digestat brut, la production annuelle du digesteur est limitée à 16 465 tonnes de digestat liquide ( siccité d’environ 12,5%) et 2045 tonnes de digestat solide ( siccité supérieure à 27%). » Ceci sans davantage de commentaires (la siccité étant la teneur en matière sèche) .

Il est donc question de concentrer par évaporation le digestat, pour réduire un peu les volumes à épandre. L’arrêté précise en effet que 32 200 tonnes de matières entreront dans le digesteur par an, pour une production d’environ 4,5 millions de mètres cubes de biogaz, ( environ 5500 tonnes ), ainsi que les 18 510 tonnes de digestat ayant subi une séparation de phase par centrifugation, et une concentration par évaporation d’une partie de l’eau constituant le digestat. De ce qui précède, il est facile de déduire qu’entre ce qui rentre dans le digesteur et ce qui en sort il y a une différence d’environ 8200 tonnes, qui correspond à la masse évaporée à l’atmosphère, surtout de l’eau. Observons au passage que pour vaporiser 8200 tonnes d’eau, il faut apporter 18 000 giga joule de chaleur ( 2,2 MJ par kilogramme d’eau évaporée), soit l’énergie dégagée par la combustion de  840 000 mètres cubes de biométhane, près de 20% de ce qu’il est prévu de produire…

Le problème, c’est évidemment que l’évaporation de cette masse d’eau va s’accompagner de la volatilisation de la totalité de l’ammoniac qui s’y trouvait en solution, et même beaucoup plus, l’ammoniac étant nettement plus volatil que l’eau. Sous l’hypothèse que la phase aqueuse du digestat brut contienne 3 grammes d’ammoniac par litre ( c’est un minimum), c’est au bas mot 50 tonnes d’azote sous forme ammoniacale qui se volatiliseront dans l’air chaque année lors des opérations de concentration du digestat, si l’on fait l’hypothèse que la vaporisation d’une tonne d’eau entraine la volatilisation de l’ammoniac initialement en solution dans 2 tonnes d’eau. Il s’agit là probablement d’une hypothèse basse. Les plafonds d’émissions décrétés par l’autorité préfectorale pour les locaux fermés équipés de conduits d’aération apparaissent complètement dérisoires, voire hypocrites, au regard des quantités d’ammoniac qui vont se volatiliser dans l’air lors de la phase d’évaporation du digestat, opération qui manifestement se déroulera à l’air libre… Selon les estimations du GIEC ( voir plus haut), un kilo d’azote ammoniacal volatilisé dans l’air, c’est à la clé 10 grammes d’azote se retrouvant sous forme de N2O ( 15,7 grammes de N2O produit), soit un impact effet de serre de 4,7 kg équivalent CO2.  La volatilisation de l’ammoniac dans l’air occasionnée par la seule concentration des effluents de digestion du méthaniseur de la ferme des mille vaches ( dans la configuration 500 vaches seulement) va générer des émissions de protoxyde d’azote d’environ 235 tonnes équivalent CO2. Ce chiffre est à mettre en rapport avec l’estimation faite par les promoteurs du projet qui considèrent que dans la configuration mille vaches, la méthanisation permettra d’économiser 1 805 tonnes équivalent CO2 grâce à l’utilisation énergétique du biométhane… Sous l’hypothèse que sur cette base, le projet autorisé réduit à 500 vaches permettrait une économie de 900 tonnes équivalent CO2 d’émissions, c’est plus d’un quart de cette économie qui est effacée par les émissions d’ammoniac générées par le séchage ( très partiel) du digestat qui est envisagé.

On mesure sur ce cas précis, qui n’est malheureusement qu’un exemple parmi tant d’autres, à quelles absurdités peuvent conduire les décisions politiques prises à des fins d’affichage, sans évaluations contradictoires suffisantes, au détriment de l’Intérêt Général.

Les projets de ce type sont assez nombreux sur le territoire national. En effet, le tarif de rachat en vigueur aujourd’hui vise à encourager les projets pour lesquels le contenu énergétique du biogaz produit est « efficacement » transformé en énergie finale utilisée ( biogaz effectivement utilisé en substitution à du gaz naturel, pour les projet d’injection dans le réseau, ou électricité + chaleur utilisée pour les projets de cogénération). Cette prime à « l’efficacité énergétique » atteint 4 centimes d’euro/kWh si au moins 70% du contenu énergétique du biogaz produit se retrouve sous forme d’énergie finale effectivement utilisée ( ce qui correspond à un rendement de cogénération plutôt médiocre), et elle est nulle si l’efficacité énergétique est inférieure ou égale à 35%. Sachant que le tarif de base de rachat du kWh électrique produit à partir de biométhane varie de 13,37 centimes d’euro/kWh ( pour les installations de puissance électrique inférieure ou égale à 150 kW) à 11,19 centimes d’euro pour les installations de plus d’1MW comme celle de la Ferme des Mille Vaches, l’obtention de cette prime est essentielle pour rentabiliser le projet. Comme à proximité des sites de méthanisation il n’y a pratiquement jamais d’acheteurs pour la chaleur cogénérée par la production d’électricité à partir du méthane, dont le rendement énergétique plafonne à 40%, il a donc été proposé d’utiliser cette chaleur fatale pour sécher le digestat, afin d’atteindre les fatidiques 70% d’efficacité énergétique pour toucher la prime, ce que les services de l’Etat ont accepté, ADEME en tête… C’est pour cette même raison que de nombreux projets retiennent la méthanisation thermophile ( à température élevée), qui permet de « valoriser » une bonne partie de la chaleur co-produite avec l’électricité pour maintenir la température à l’intérieur du digesteur.

Généralement, pour couvrir les besoins de chaleur pour des usages industriels, c’est de la vapeur surchauffée, à une pression de quelques bar, qui est utilisée. Or les projets de cogénération électricité – chaleur à partir de biométhane utilisent le plus souvent des moteurs à explosion, sur lesquels la chaleur est récupérée par le système de refroidissement à eau, éventuellement complété par un échangeur chauffé avec les gaz d’échappement. La chaleur récupérée se présente le plus souvent donc sous forme d’eau chaude, ce qui limite fortement les utilisations : chauffage de bâtiments, de serres, éventuellement séchage de grains ou de fourrages, et c’est à peu près tout… En aucun cas cela ne permet de valoriser efficacement de la chaleur sur l’ensemble de l’année.

A noter que ce n’est pas l’efficacité énergétique avec laquelle l’énergie finale produite ( l’électricité) est obtenue qui est prise en compte, mais seulement le coefficient de conversion énergie finale/énergie primaire ( biométhane), certes plus facile à calculer, mais qui ne renseigne pas sur le caractère renouvelable de l’énergie finale produite… Il est vrai qu’il s’agit là d’une boîte de Pandore qu’il est préférable de ne pas ouvrir, ainsi que c’est d’ailleurs le cas pour d’autres énergies qualifiées un peu rapidement de « renouvelables »… Considérons simplement le poids que représente dans le bilan énergétique le transport du digestat jusqu’à la parcelle d’épandage. Sur la base d’un coût énergétique de 5MJ par Tonne.km pour le transport en citerne de 20 000 litres attelée derrière un tracteur agricole effectuant le retour à vide, pour un lisier de bovin dont la méthanisation produit 20 mètres cube de méthane par tonne, représentant un contenu énergétique de 31,8 MJ/mètre cube, rien que le transport du digestat pour son épandage jusqu’à une parcelle distante de 25 km du digesteur consomme 20% du contenu énergétique du méthane produit. Considérant maintenant que seulement 40% du contenu énergétique du méthane produit est efficacement valorisé sous forme d’électricité, le coût énergétique du transport du digestat évoqué ci-dessus représente en réalité 50% de l’énergie finale produite… Et il ne s’agit là que du transport du digestat… Sur certains projets s’ajoutent le transport des matières premières constituant le substrat de méthanisation, dont certaines, comme les boues de stations d’épuration, les lisiers et les fumiers sont assez peu méthanogènes. Il est clair que plus la taille du projet augmente et plus les distances à parcourir pour collecter les matières fermentescibles et pour épandre les digestats vont augmenter, à tel point qu’il y a lieu de s’interroger sur l’existence d’économies d’échelle sur ce type de projets.

Parmi les projets où la chaleur co-produite sera « valorisée » en séchant le digestat, il s’en trouve certains pour lesquels il est prévu de traiter les vapeurs issues de cette opération par de l’acide sulfurique, à l’image de ce qui est pratiqué depuis plusieurs années sur le site CAPIK ( contraction des noms de CapSeine, coopérative agricole, et Ikos – Environnement) de Fresnoy – Folny en Seine Maritime. L’ammoniac réagit en effet avec l’acide sulfurique pour former du sulfate d’ammonium SO4(NH4)2, ce qui a pour effet de réduire très fortement la volatilité de l’ammoniac. Le sulfate d’ammonium peut être vendu aux agriculteurs comme engrais azoté. Cette forme est notamment utilisée pour le dernier apport d’azote sur blé, au stade montaison, généralement à hauteur d’une quarantaine de kilos d’azote par hectare. Cette technique, dont il conviendrait d’établir précisément l’efficience et qu’il n’est pas prévu d’utiliser sur la ferme des mille vaches (ni l’arrêté préfectoral ni le dossier déposé en mai 2011 par les promoteurs du projet n’en font état), présente plusieurs inconvénients :

  • Les quantités d’acide sulfurique à mettre en œuvre sont importantes : 2,9 tonnes d’acide sulfurique pur par tonne d’ammoniac à abattre, dans le cas d’une réaction complète… L’entreposage et la manutention de telles quantités d’acide sur un site de méthanisation posent quelques problèmes, notamment réglementaires, sans parler du coût d’achat de l’acide sulfurique.
  • La solution aqueuse de sulfate d’ammonium obtenue n’est pas suffisamment concentrée pour intéresser les agriculteurs. Sur le site de Fresnoy – Folny, du sulfate d’ammonium cristallisé est acheté pour enrichir la solution obtenue sur place, afin de pouvoir proposer aux acheteurs une solution de concentration adaptée.

Deux autres solutions pourraient être étudiées pour éviter la volatilisation de l’ammoniac lors des manipulations et de l’épandage du digestat :

  • La première consisterait à oxyder en nitrate ( NO3-) l’ammoniac contenu dans le digestat, en y apportant de l’oxygène, par exemple en insufflant de l’air dans la masse de digestat. Les nitrates n’étant que très peu volatils, le risque d’émissions dans l’air, notamment lors des opérations d’épandages, se trouve fortement réduit. Subsiste évidemment le risque de lessivage des nitrates, si les épandages sont effectués sans tenir compte des besoins des couverts végétaux. Il faudrait également veiller à ce que le digestat « oxydé » ne soit pas stocké trop longtemps, car en conditions anaérobies, comme dans les sols saturés d’eau en hiver ou dans les litières accumulées sous les animaux par exemple, les nitrates subissent l’action des bactéries dénitrifiantes qui les utilisent comme source d’oxygène, pour aboutir à la formation de N2, avec cependant une proportion significative de N2O, le protoxyde d’azote…
  • La seconde utiliserait la forte volatilité de l’ammoniac pour le sortir du digestat en soumettant celui-ci à un vide partiel. La compression des vapeurs produites conduirait à obtenir une solution ammoniacale plus ou moins concentrée selon les conditions de température et de pression auxquelles on opère, solution commercialisable auprès des fabricants d’engrais azotés. Evidemment , ce procédé consomme une part non négligeable de l’énergie produite par la méthanisation. Mais il permet de pouvoir recycler en grande partie la phase liquide du digestat débarrassé de son ammoniac en amont du digesteur pour la préparation du substrat de méthanisation. De sorte qu’il n’y aurait plus que la phase solide à épandre. Ce recyclage n’est pas envisageable avec la phase liquide du digestat non traité de cette façon, car la concentration en ammonium augmenterait dans le digesteur, bloquant rapidement la fermentation, l’ion ammonium devenant toxique pour les bactéries méthanogènes dès que sa concentration atteint 3 grammes/ litre.

Aucune de ces deux solutions n’a été expérimentée pour l’instant.

Reste l’épineuse question de l’épandage, qui se pose d’ailleurs aussi bien pour les effluents d’élevage non méthanisés que pour les digestats, même si dans ce cas le risque de volatilisation de l’ammoniac est plus important puisque la proportion d’azote sous forme ammoniacale est plus forte que dans les lisiers et surtout les fumiers. Il est maintenant admis que pour limiter de façon substantielle les pertes d’ammoniac par volatilisation lors des épandages, il n’y a qu’une solution : enfouir les effluents le plus rapidement possible après leur épandage. C’est d’ailleurs ce qui est prévu sur la Ferme des Mille Vaches, l’épandage devant être effectué à l’aide de citernes équipées d’enfouisseurs. Ce type de matériel permet effectivement de réduire très fortement les émissions d’ammoniac lors de l’épandage puisque l’effluent est enfoui dans une tranchée ouverte dans le sol par le passage d’une dent, puis refermée dès que l’effluent a été déposé, mais présente l’inconvénient , par rapport à l’épandage avec une rampe munies de pendillards, de nécessiter davantage de puissance de traction pour une largeur d’épandage plus faible, d’où une augmentation sensible des émissions de CO2 à cause du coût énergétique de l’épandage fortement augmenté, et d’endommager la culture en place. L’épandage ne peut donc être effectué qu’entre le semis et la récolte du précédent, ce qui ne laisse que deux créneaux dans l’année pour effectuer les épandages :

  • Avant les semis de cultures de printemps, avec des risques de défaut de portance des sols, ce qui oblige à équiper les citernes de pneus larges basse pression, qui génèrent une augmentation de la consommation du tracteur quand celui-ci circule sur la route.
  • Après moisson, avant les semis de fin d’été – automne. Mais est-il pertinent d’apporter de l’azote sur la parcelle à cette période – là ? Les besoins en azote de la culture avant les pluies drainantes de l’hiver sont faibles, et couverts par le reliquat azoté post récolte du précédent auquel s’ajoutent les apports par la minéralisation automnale de la matière organique du sol. Apporter de l’azote en plus c’est prendre le risque que celui-ci soit en grande partie lessivé à la faveur des pluies hivernales drainantes. Les épandages d’effluents liquides sont d’ailleurs interdit à cette période en Zones d’Action Renforcée avant semis de céréales.

Il n’y a qu’une seule culture qui peut s’accommoder d’épandage sur une période plus large sans nuire à l’environnement : c’est la culture de l’herbe, après chaque coupe, pour peu que soit utilisé un enfouisseur à disques, qui laisse moins de traces de son passage qu’un enfouisseur à dents. Mais, sur la Ferme des Mille Vaches, il n’y aura pas d’herbe…  Dans l’intérêt général, les épandages de digestat ne devraient donc être effectués qu’avant les semis de cultures de printemps, ce qui implique de disposer de suffisamment de surfaces en cultures de printemps, et de pratiquement une année de capacité de stockage pour le digestat. Mais à la Ferme des Mille Vaches, aucune de ces deux conditions n’est remplie.

En 2013, l’INRA a publié une fort intéressante étude chiffrant le potentiel de réduction des émissions agricoles de gaz à effet de serre que pourraient permettre dix actions techniques, dont, bien évidemment, la méthanisation. L’INRA a estimé qu’en 2030, 25% des fermes laitières ou porcines de plus de 140 UGB, représentant 33% des vaches laitières et porcs à l’engrais élevés en France,  pourraient être équipées de méthanisation, permettant une économie d’émissions de 4,1 à 7,5 millions de tonnes équivalent CO2 par an ( soit l’équivalent de 9 à 16,5% des émissions agricoles actuelles de méthane). Ces économies d’émissions seraient réalisées pour un coût pour les agriculteurs de 17 € / Tonne équivalent CO2 évitée. A cela s’ajoute le coût pour la collectivité correspondant au tarif de rachat de l’électricité produite à partir du biométhane ( 0,13 €/kWh pour cette étude). Prudemment, l’INRA n’a pas considéré de valorisation marchande de la chaleur co-produite.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont fait plusieurs hypothèses, en particulier que la méthanisation n’aggravait pas les émissions lors des étapes aval ( traitement, stockage et épandage du digestat), par rapport à ce qui se produit lorsque les effluents d’élevage ne sont pas méthanisés. De tout ce qui précède, cette hypothèse apparaît pour le moins très optimiste… Les calculs conduisent les chercheurs à estimer le potentiel d’atténuation de cette action à 550 kg équivalent CO2 par animal et par an pour les vaches laitières sur fumier ( 1 560 kg quand elles sont sur lisier) et 370 kg équivalent CO2 par an pour les porcs à l’engrais de plus de 50 kg. Notons au passage que les promoteurs de la Ferme des Mille Vaches sont plus optimistes que cela, puisqu’ils avancent un potentiel d’atténuation de leur projet de 1 850 kg équivalent CO2 par vache… Sachant qu’un kilo d’azote volatilisé sous forme d’ammoniac provoque un effet de serre de 4,7 kg équivalent CO2 ( voir plus haut), si les étapes aval de la méthanisation génère des émissions additionnelles spécifiques d’azote sous forme d’ammoniac de 117 kg d’N /an, le bénéfice apporté par la méthanisation du fumier de vaches laitières en terme d’atténuation est complètement effacé. C’est peu probable qu’on puisse en arriver là, même sur les projets les plus calamiteux, puisqu’une vache laitière excrète en moyenne 115 kg d’azote par an. Mais la vigilance s’impose.

Conclusion :

Les émissions agricoles d’ammoniac dans l’air, représentant 97,5% des émissions nationales de ce gaz, sont au cœur de deux problématiques d’intérêt général majeures :

  • La pollution de l’air aux particules fines, l’ammoniac étant précurseur de particules fines inorganiques secondaires, souvent en cause lors des pics de pollution, en particulier au printemps.
  • Les émissions de protoxyde d’azote N2O, très puissant gaz à effet de serre à longue durée de vie, à 89% d’origine agricole dans notre pays, et dont une part significative découle tant de la volatilisation de l’ammoniac que du lessivage des nitrates.

Pourtant, cette problématique demeure encore aujourd’hui complètement absente de la décision politique… Absente et ignorée, à tous niveaux… Les dispositions en vigueur pour soutenir les projets agricoles de méthanisation en sont une illustration frappante. A ne pas prendre en compte les différents enjeux d’intérêt général dans leur globalité, et en particulier le changement climatique, qui représente pour l’Humanité un défi inédit par l’ampleur tant de ses conséquences potentielles que des remises en causes qu’il devrait susciter, on en vient nécessairement à prendre de mauvaises décisions. Concernant la méthanisation, il n’est pas possible de considérer qu’aujourd’hui cette technologie est mature, tant que la question des émissions d’ammoniac dans l’air se produisant lors des étapes aval n’est pas réglée. Ce point fait cependant aujourd’hui l’objet d’études spécifiques, dont les résultats n’ont pas encore été publiés.

La lutte contre le lessivage de nitrates mobilise aujourd’hui de gros moyens sur de nombreux territoires. A peu de frais, il est encore possible d’intégrer à ces programmes d’actions la dimension volatilisation de l’ammoniac. C’est le sens de la proposition faite par le groupe CIVAM « les Défis Ruraux » tant à l’Agence de l’Eau Seine Normandie, qui finance la quasi-totalité de ces programmes, en septembre 2013, qu’au service « Eaux et Rivières » du Conseil Général de l’Eure, qui gère l’Observatoire des BAC de l’Eure, en janvier 2014. Ces propositions sont restées sans effet pour l’instant. Lorsque ces programmes seront terminés, il sera trop tard.

Patrick Sadones

Paysan en Vallée de Seine, le 30 novembre 2014.

Alerte rouge sur l’Europe laitière?

André Pflimlin,   16 09 2014

Auteur  de  « Europe laitière; valoriser la diversité pour construire l’avenir » Editions France Agricole Nov. 2010

Alerte rouge sur l’Europe laitière?

Depuis un an la filière laitière est sur son petit nuage… Tout va bien : le prix du lait, la demande mondiale, la météo avec des fourrages et des céréales en abondance, donc une collecte qui a fortement augmenté et qui nous permettra de faire le plein de notre quota national, juste avant sa disparition en avril prochain . Il serait temps que les prophètes de malheur reconnaissent enfin qu’ils ont eu tord d’annoncer cette sortie des quotas comme une catastrophe nationale, européenne voire mondiale ! Apparemment tout va bien : le prix du lait devrait rester élevé pour rattraper l’écart avec le prix allemand, la   croissance de la collecte s’est prolongée l’été, la France est bien verte, les maïs sont beaux et le prix des céréales est en baisse du fait d’une très bonne récolte mondiale. Donc, toutes les conditions semblent réunies pour produire plus, ici en France, chez nos voisins européens, voire au-delà !

Mais en levant la tête, on voit arriver de gros nuages, porteurs d’un autre message : Depuis janvier 2014, la collecte a progressé de 6% en France mais aussi de 5% pour l’ensemble de l’UE ; soit 3.5 Mt en plus pour le 1er semestre. Comme personne ne parle d’excédents et de baisse du prix du lait, les éleveurs disposant de fourrages en abondance, vont continuer à produire beaucoup. Ils ont d’ailleurs gardé plus de vaches et de génisses en vue de la fin des quotas. Alors « si on peut produire plus tout de suite et dans de bonnes conditions, pourquoi s’en priver, ce d’autant qu’il n’y aura pas de pénalités (?) car la France est en sous réalisation depuis 2009 »! Cela vaut aussi pour d’autres pays de l’UE dont le RU qui voit sa collecte décoller de plus de 10%, la Pologne et les pays Baltes de 7.5 a 12.5%. Il n’est donc pas stupide de penser que la collecte laitière de l’UE 2014 pourrait être supérieure à 2013, de 5 à 7 Mt que nous transformerons essentiellement en poudre et autres ingrédients pour le marché mondial. 

lactis

Un marché mondial limité avec 3 exportateurs principaux : l’UE, La NZ et les USA.                   

    – En NZ   aussi le prix du lait a été particulièrement élevé depuis un an   (400€ /t depuis Janvier) et la collecte a cru de 10% environ soit + 2 M t pour le marché mondial. La nouvelle campagne laitière vient juste de démarrer, avec de bonnes conditions météo, un effectif de vaches record et une excellente trésorerie permettant d’acheter ou non du concentré selon la profitabilité à court terme. Même si le prix du lait descendait à 200 € /t ces éleveurs résisteraient sans peine. Or le prix de base annoncé par Fonterra pour 2014-15 serait de 260 €/t, ( 6$ NZ / KG MU contre 8.5 en Janv-Avril 2014, soit une baisse de près de 30%.).

    – Aux USA le prix du lait a aussi dépassé les 400 € /t et devrait se maintient à un niveau élevé les prochains mois. Le prix de l’aliment étant en baisse et les effectifs de vaches en hausse, la main d’œuvre mexicaine toujours aussi bon marché, la production est en hausse, de l’ordre de 2% et devrait se renforcer d’ici la fin de l’année. Le nouveau dispositif de garantie de marge sur coût alimentaire (Far Bill 2014-2018) se met en place dès septembre et sera pleinement opérationnel dès 2015. Il est ouvert à tous les producteurs quelle que soit la taille du troupeau. C’est un sacré filet de sécurité, surtout pour les très gros troupeaux hors sol… D’où un surplus pour le marché mondial de 2M t en 2014 et davantage en 2015…

Le volume de ce marché mondial étant de l’ordre de 55 à 60 Mt éqv. lait, le surplus de lait de ces trois ( UE, USA NZ) sera l’ordre de 10 Mt sur un an, soit + 17-18% en regard d’une demande en produits laitiers assez rigide (+ 1 -1.5 % au niv. mondial) Le marché mondial était tiré par les achats chinois mais ces derniers semblent avoir fait le plein de stocks et leurs achats se sont ralentis. Et la conjoncture internationale n’est pas très porteuse, pour ne pas dire déprimée…même si les fondamentaux restent bons à plus long terme. Mais c’est surtout l’embargo russe sur les produits laitiers UE qui pèse lourd immédiatement sur nos exportations donc sur nos surplus de fromages, ingrédients et poudres …L’ensemble de nos exportations UE représente 1.5% de la production UE (moins d’1% pour la France mais plus de 20% pour les Pays Baltes et la Finlande) En clair pour l’UE il faut rajouter ces 1.5% aux 5% de surplus de production à exporter.

La Commission semble surtout s’inquiéter de l’embargo russe et laisse filer notre surproduction. Elle a tout fait pour décrédibiliser le projet Dantin (PE)d’une régulation volontaire indemnisée, soutenue par l’EMB et même par la FNPL, en affirmant qu’elle disposait   désormais des outils suffisants pour gérer les crises via l’intervention, bien mieux qu’en 2009 ! (réponse d’un chef de la DG Agri en avril 2013 à René Souchon rapporteur de l’avis du Comité des Régions sur les risques liés à la fin des quotas laitiers) Certes Dacian Ciolos a toujours été nettement plus attentif (que la DG AGRI) et plus soucieux des risques de dérapage de la production laitière et des prix. Il l’a encore dit lors de la conférence laitière du 24 septembre 2013 à Bruxelles   mais il ne peut pas remettre en cause la stratégie libérale de la Commission   validée par le Conseil et par le Parlement européen. Il a cependant mis en place un observatoire du marché laitier accessible à tous et actualisé chaque semaine, permettant de bien suivre la montée de la vague laitière.

Cette Commission va changer, le Roumain Dacian Ciolos sera remplacé par l’Irlandais Phil Hogan sauf avis défavorable du PE*. JC Junker a adressé une lettre de mission à tous ses commissaires fixant les priorités, notamment pour la mise en œuvre de la PAC 2014-20. Rien ne permet d’espérer un infléchissement de la stratégie libérale de la Commission : surement pas Junker et sa nouvelle Commission. Surement pas Phil Hogan, un Irlandais, missionné par un petit pays qui rêve de produire 50% de lait en plus. Un pays qui s’est mis en ordre de marche pour y arriver en mobilisant tous les acteurs et notamment les coopératives et les syndicats, les pouvoirs publics, la recherche et le développement. L’Irlande a les coûts de production les plus bas de l’UE (150€ / t hors main d’œuvre familiale) et elle peut produire beaucoup plus de lait à l’herbe en réduisant le troupeau allaitant bovin et ovin. La plupart de ses producteurs peuvent survivre avec un prix d’intervention UE de 215 € / t Mais pas nos éleveurs en France, ni dans la plupart des pays de l’UE… Alors tant pis pour nous et les autres ?

La Bretagne veut suivre l’exemple irlandais, en copiant les Danois. Le 11 septembre dernier   tous les acteurs de la filière laitière bretonne étaient réunis à Rennes pour lancer le plan de croissance laitière   2015- 2020, pour l’après quotas   permettant enfin « de libérer toutes les énergies » de cette région. Les chambres d’agriculture ont examiné différents scénarios de développement de la filière et les responsables professionnels veulent privilégier celui qui conduit à produire un milliard de litre de lait en plus   d’ici 2020 (soit 15 -20% de lait en plus avec moitié moins de producteurs. Les   groupes laitiers Sodiaal et Laïta avaient déjà affiché des projets de croissance équivalents. Au niveau de l’offre et de la transformation cela semble jouable, donc le mot d’ordre est clair «  la Bretagne doit foncer pour ne pas se faire doubler par d’autres régions ou pays » Mais pour quels marchés, avec quels produits ? La course aux volumes et aux produits industriels est repartie comme en 1970…mais   désormais sans filet de sécurité. Après le poulet et le porc, les éleveurs laitiers bretons paieront cher à leur tour… mais en appelleront encore à la solidarité nationale et européenne. Alors qu’ils auront fait le vide dans beaucoup d’autres régions, juste en voulant produire plus, sans regarder au-delà de leur bonnet rouge!

Mais la prochaine crise laitière pourrait bien vite calmer ces ardeurs ici et aussi faire beaucoup de dégâts partout   ailleurs, en France et en Europe! Et depuis 2009, elle n’a jamais été aussi proche.                                                                                                                                                                    

André Pflimlin,   16 09 2014

Auteur  de  « Europe laitière; valoriser la diversité pour construire l’avenir » Editions France Agricole Nov. 2010

* la presse irlandaise n’est pas tendre avec P. Hogan

Petit conte transatlantique

Petit conte transatlantique inspiré par une pub bancaire

titanique

Plus haut que la Maison Blanche, plus haut que le Berlaymont,  le nouveau géant des mers, sorti en 2013 des chantiers TABC[1] des îles Caïman[2], nargue de plus de 10m le plus grand des carbots[3] chinois, le Tienanmen. Il croise dans l’Atlantique Nord, où il a déjà effectué 5 rotations d’essai. Bien que son journal de bord reste confidentiel – concurrence industrielle oblige-, on peut quand même dire qu’il va vite. Le capitaine Mike, un natif de Californie, n’est pas peu fier, et Karel, son second, natif de Flandre-Orientale, tout autant. A tour de rôle à la barre, c’est à qui va le plus vite. Au TABC, on fait ce qu’il y a de mieux comme moteur.

Avant le lancement, qui devrait inaugurer une ère nouvelle dans l’Atlantique Nord, on s’affaire à bord. On a même vu, paraît-il, un orchestre répéter sur le pont. A la baguette, Jose Manuel, un natif  de Lisbonne, n’a pas son pareil pour dissiper en musique les angoisses possibles, voire le mal de mer, des futurs passagers.

Demain, ce sera le grand jour, Mike et Karel mettront plein gaz, pour impressionner leurs invités de choix du TABC. Tout droit.

Pendant ce temps, sur les rives nord de l’Atlantique, l’océan est bien chaud cette année ; les glaciers et leurs esprits s’échauffent. Le Groenland, tout excité à retrouver la couleur qui lui a donné son nom, a laissé glisser dans l’océan un défilé de montagnes de glace. Plein sud.

Rencontre historique ?

 

Gérard Choplin, 2 juin 2014

 

[1] Trans Atlantic Business Council, qui rassemble de grande entreprises d’Europe et des USA

[2]  Territoire britannique des Caraïbes, connu pour sa grande bienveillance fiscale.

[3] Nouveau type de bateau mixte cargo-paquebot transportant des conteneurs, des migrants, et des passagers de luxe.

Liste des membres du Bureau exécutif de la CPE et du Comité de coordination de ECVC de 1990 à 2012

Liste des membres du Bureau exécutif de la CPE de 1990 à 2008

1990 José Bové (Conf) – Ignas Van de Walle (VAC) – Ada Fischer (AbL)
1991- 1993 Ignas Van de Walle (VAC) – Ada Fischer (AbL)- Gaby Dewalle (Conf)
1993-1994 Ada Fischer (AbL)- Fernand Cuche (UPS)- Laurent Cartier (Conf)- Paul Nicholson (EHNE)
1995 Fernand Cuche (UPS)- Paul Nicholson (EHNE)- Christian Boisgontier (Conf)- Fraser Mc Leod (SCU)
1996 Fernand Cuche (UPS)- Paul Nicholson (EHNE)- Christian Boisgontier (Conf)
1997 Paul Nicholson (EHNE)- Christian Boisgontier (Conf)- Lidia Senra (SLG)
1998 Paul Nicholson (EHNE)- Christian Boisgontier (Conf)- Lidia Senra (SLG)- Ada Fischer (AbL)
1999 Paul Nicholson (EHNE)- Lidia Senra (SLG)- Christian Boisgontier (Conf)- Joao Vieira (CNA)-
2000 Paul Nicholson (EHNE)- Lidia Senra (SLG)- Christian Boisgontier (Conf)- Joao Vieira (CNA)-
2001 Christian Boisgontier (Conf)- Joao Vieira (CNA)- Gérard Vuffray (Uniterre)- Xosé Ramon Cendan (SLG)
2002 Christian Boisgontier (Conf)- Joao Vieira (CNA)- Gérard Vuffray (Uniterre)- Xosé Ramon Cendan (SLG)- Jaap Spaan (KLB)
2003 Xosé Ramon Cendan (SLG)- Jaap Spaan (KLB)- Joao Vieira (CNA)- Marie-Paule Méchineau (Conf)- Gérard Vuffray (Uniterre)-
2004 Xosé Ramon Cendan (SLG)- Joao Vieira (CNA)- René Louail (Conf)- Heike Schiebeck (ÖBV)- Ingeborg Tangeraas (NBS)
2005 Xosé Ramon Cendan (SLG)- René Louail (Conf)- Heike Schiebeck (ÖBV)- Ingeborg Tangeraas (NBS)- Geza Varga (Magosz)
2006- 2008 René Louail (Conf)- Xosé Ramon Cendan (SLG)- Geza Varga (Magosz) )- Ingeborg Tangeraas (NBS)

 

Liste des membres du Comité de coordination d’ECVC de 2008 à 2012

2008-2009 Rafael Hernández (COAG), Marit Jordal (NBS), Joop de Koeijer (NAV), René Louail (CONF), Josie Riffaud (CONF), Javier Sánchez (COAG), Lidia Senra (SLG), Pierre André Tombez (Uniterre) , Jeanne Verlinden (MAP)
2010 Rafael Hernández (COAG), Marit Jordal (NBS), Joop de Koeijer (NAV), Josie Riffaud (CONF), Javier Sánchez (COAG), Geneviève Savigny (CONF),  Lidia Senra (SLG), Pierre André Tombez (Uniterre) , Jeanne Verlinden (MAP)
2011 Andrea Ferrante (AIAB), Gjermund Haga (NBS), Rafael Hernández (COAG),  Josie Riffaud (CONF), Javier Sánchez (COAG), Geneviève Savigny (CONF), Pierre André Tombez (Uniterre) , Jeanne Verlinden (MAP), Isabel Vilalba (SLG)
2012 Andrea Ferrante (AIAB), Gjermund Haga (NBS), Rafael Hernández (COAG),  Josie Riffaud (CONF), Javier Sánchez (COAG), Geneviève Savigny (CONF), Pierre André Tombez (Uniterre), Hanny Van Geel (NAV), Jeanne Verlinden (MAP), Isabel Vilalba (SLG)

 

 

 

 

« Pequeñas Farms in tutta Europe : Welche Futuro ? »

Réunies à Aix en Provence les 28 et 29 octobre 2004, à l’invitation de la Confédération
Paysanne et de la Coordination Paysanne Européenne (CPE), des organisations de 14 pays
d’Europe, avec l’appui de nombreux économistes, sur le thème « petites fermes en Europe, quel avenir ? » ont approuvé la déclaration suivante :

2004-declaration-daix-en-provence-petites-fermes

Quatrième Rencontre paysanne européenne: Résolution de Kientzheim (F)

1984-resolution-kientzheim