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(dossier réalisé pour SOS Faim et Oxfam Solidarité dans le cadre de la campagne: « n’exportons pas nos problèmes »)
Surproduction de lait : ici et ailleurs, les éleveurs boivent la tasse.
Renforcer la filière locale et équitable de produits laitiers en Afrique de L’Ouest nécessite de revoir les politiques européennes.

« Tu n’es pas un producteur laitier, tu es un vendeur de lait en poudre », dit un jeune propriétaire de laiterie de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) lorsqu’il salue un producteur allemand en visite[2].
Korotoumou Gariko (micro-laiterie, Burkina-Faso) : « Notre politique prend une mauvaise direction. Les échanges commerciaux de lait ne se déroulent plus que sur le marché mondial. Le Burkina Faso met ainsi sa propre alimentation en jeu. Il faudrait une politique qui promeuve l’ensemble du secteur laitier afin que tous les producteurs puissent accroître leur production et obtenir un bon prix. Cela ne peut pas fonctionner si les importations de lait en poudre bon marché en provenance d’Europe nous font concurrence ».[3]
Johannes Pfaller, producteur allemand du BDM[4] : « Nous ne voulons pas que nos problèmes soient exportés. L’Europe doit entreprendre quelque chose pour gérer les volumes. Celui qui empêche d’autres pays de se développer, entrave son propre développement ».

Introduction
En Afrique de l’Ouest, les producteurs de lait, qui appartiennent aux catégories de population parmi les plus pauvres d’Afrique de l’Ouest, sont confrontés aux importations croissantes de poudre de lait européenne, moins chère que leur lait local. Cette poudre est de plus en plus souvent mélangée à de l’huile de palme, encore moins chère. La plupart des producteurs européens, qui font face à un prix du lait mondialisé trop bas, n’en profitent pas et sont en difficulté. Les politiques agricoles et commerciales de l’Union européenne (UE) favorisent cette évolution, souvent en contradiction avec les objectifs de sa politique de développement.
Comment modifier les politiques agricole et commerciale de l’UE, les pratiques de ses firmes laitières, et les politiques laitières, fiscales et tarifaires d’Afrique de l’Ouest pour trouver un bon équilibre dynamique entre les différentes composantes d’un marché laitier ouest-africain en pleine expansion, entre les importations et le lait local ?
Producteurs de lait européens et africains doivent pouvoir vivre dignement de la vente de leur production, en valorisant durablement les immenses territoires herbagers et pastoraux qui existent dans ces deux régions. Ce sont des enjeux de sécurité alimentaire, de nutrition, de santé publique, de lutte contre la pauvreté, d’emploi et d’environnement auxquels il faut répondre.
Il est possible, en modifiant les politiques européennes, africaines, et les pratiques des firmes laitières, de favoriser le développement d’une filière laitière locale, durable et rémunératrice en AO au service des populations rurales et urbaines.
Des producteurs et des associations, ici et là-bas, y travaillent. Vous trouverez à la fin de ce dossier des recommandations, principalement adressées aux décideurs politiques européens[5], pour modifier les politiques européennes en traçant des perspectives de justice économique, sociale et environnementale en Afrique de l’Ouest comme en Europe.
- La filière laitière locale d’Afrique de l’Ouest : atouts et contraintes
Production et consommation
Environ 60% de la population active d’Afrique de l’Ouest, sur une population totale de 370 millions d’habitants, vit de l’élevage et de l’agriculture. Dans la zone sahélienne (Niger, Tchad, Mali, Burkina-Faso, Mauritanie), le pastoralisme et l’agro-pastoralisme sont un pilier de l’économie. Même si la production de viande est souvent le revenu principal des éleveurs, la production et la commercialisation locale de lait (vaches[6], chèvres, brebis[7], chamelles) occupe une place importante.
Les femmes sont au cœur de l’économie laitière locale, de la production à la commercialisation, apportant un revenu régulier aux familles.
En moyenne, une vache produit de 2 à 3 litres par jour, contre 25 à 35 litres en Europe. La très faible partie du lait (environ 1.5% – 60 millions de litres) qui n’est pas autoconsommé par les familles ou vendu sur place est transformée dans une centaine de mini-laiteries (de 30 à 500 litres par jour) et dans une vingtaine de laiteries industrielles qui utilisent aussi du lait en poudre importé. Seules deux laiteries industrielles n’utilisent que du lait local, la laiterie publique de Fada N’Gourma au Burkina Faso et la laiterie Tiviski en Mauritanie.
La production, qui a augmenté de plus de 50 % entre 2000 et 2016, atteint aujourd’hui 4 milliards de litres de lait trait. Ce lait local couvre environ 60% de la consommation d’Afrique de l’Ouest, avec de fortes disparités entre les pays (72% au Burkina Faso, 33% au Sénégal) : le reste est importé sous forme de poudre de lait et de mélange réengraissé en matières grasses végétales (mélange MGV) provenant principalement des firmes laitières de l’Union européenne.
La consommation de lait est encore faible à 23kg en moyenne par an[8], mais en forte augmentation, en parallèle du boom démographique et de la croissance économique. En 2050, ce seront 800 millions d’habitants (dont la moitié au Nigéria) que l’Afrique de l’Ouest devra nourrir. L’urbanisation croissante – 50% de la population aujourd’hui, 62% au rythme actuel en 2030- augmente la demande en produits laitiers bon marché pour la population pauvre et en produits plus élaborés pour la classe moyenne en développement. Dans la ville de Bamako, par exemple, 90% du lait consommé provient de poudre.
On estime que la collecte industrielle locale fait vivre actuellement de 15 à 20.000 familles d’éleveurs en Afrique de l’Ouest ; pour les mini-laiteries et le marché informel, ce sont des centaines de milliers de familles. Les systèmes locaux de collecte et les mini-laiteries peuvent assurer un prix équitable aux producteurs, mais concernent encore des volumes limités de lait.
Atouts
« Le lait en poudre, c’est du lait mort alors que le lait local est vivant… On a un potentiel énorme de production, il nous faut juste une bonne politique. » Ibrahim Diallo, Président de l’union nationale des mini-laiteries et producteurs de lait (UMPLB) du Burkina Faso.[9]
Les chiffres parlent : étant donné la croissance démographique et l’urbanisation, la demande quantitative en produits laitiers ne pourra être satisfaite entièrement par la production locale : l’Afrique de l’Ouest continuera d’importer de la poudre de lait à court et moyen terme. Mais ce marché très porteur est aussi un atout pour la production locale, dont le potentiel d’augmentation est important, à condition que les politiques menées ne favorisent pas l’importation de poudre et investissent dans la production, la collecte, et la transformation de ce lait local. D’autant plus que la demande est aussi qualitative et nutritionnelle, à laquelle le lait local peut davantage répondre.
En dépit de la faiblesse des appuis publics, la filière lait local, agit, innove et se développe, améliore la collecte, la transformation… Mais ces initiatives, qui disposent d’un fort potentiel, manquent de soutien pour se développer pleinement.
Depuis 2015, par exemple, la « Plateforme d’innovation lait de Banfora » (PIL-B)[10] au Burkina, permet aux productrices de partager la gouvernance de la filière et de se libérer de la vente de porte à porte. Elle se heurte cependant actuellement à des problèmes de ressources en eau et de vétusté des installations[11].
La valorisation économique des zones pastorales et agro-pastorales, la génération d’emplois ruraux diversifiés dans la filière, la réduction de la pauvreté rurale et donc de l’exode, la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la population, sans oublier la réduction de la dépendance alimentaire de l’Afrique de l’Ouest et la stabilisation sociale de la région sont autant d’enjeux face auxquels la production laitière locale a de bons atouts.
Contraintes
Rachid Ouédraogo, responsable de la laiterie de Fada N’Gourma : « Le principal défi à relever est l’augmentation de la capacité de collecte. A l’implantation de la laiterie, il a été défini une ceinture de collecte qui a un rayon d’action de 50 km. Mais au-delà de cette ceinture, il faut avoir un matériel adéquat pour pouvoir ramener le lait de façon convenable au niveau de la laiterie »[12]. En 2017, cette laiterie luttait pour sa survie[13] face à la concurrence du lait importé.
En plus de la concurrence avec les importations de poudre, dont nous traiterons plus loin, la production locale fait face à des contraintes importantes, qui freinent son développement :
- La productivité laitière des élevages est faible, en particulier du fait de leur orientation « viande » et des difficultés à alimenter correctement le bétail toute l’année.
- L’enclavement, avec difficulté d’accès aux marchés laitiers, aux services, le manque d’infrastructures, d’électricité, entravent la collecte et la chaîne du froid : le lait est un produit bien plus fragile que la poudre, surtout en région tropicale[14]. Les laiteries ont souvent des capacités supérieures à la quantité de lait qu’elles peuvent actuellement collecter dans de bonnes conditions.
- L’expansion des villes et l’intensification des zones agricoles rendent plus difficile l’accès au foncier et à l’eau des systèmes pastoraux et provoquent parfois des conflits.
- La capacité de capitalisation des éleveurs est faible.
- Le manque d’encadrement sanitaire des troupeaux augmente les risques de baisse de production et de revenu.
- Le climat ne facilite pas l’approvisionnement régulier de la filière laitière, alors que la poudre de lait est disponible en permanence. Le réchauffement climatique, qui aggrave les sécheresses de la zone sahélienne ainsi que les évènements météorologiques extrêmes et tend à déplacer cette zone vers le sud, pourrait contrecarrer le développement de la production.
- Beaucoup de sols de la région sahélienne sont pauvres, manquant de matière organique, ce qui diminue le potentiel de production de fourrages et d’aliments pour le bétail, d’où l’importance d’une agriculture mixte. Certaines régions souffrent d’un surpâturage lié à une trop forte densité d’animaux à faible rendement.
- La collecte se heurte à un réseau souvent insuffisant, à son coût, à la saisonnalité du lait.
Le développement de la production, souvent calqué sur le modèle européen de modernisation (races laitières, insémination, …) doit préserver la diversité innovative des modes locaux de production animale, pastoraux et agropastoraux.
Si la situation et les politiques actuelles perdurent, plus de la moitié des éleveurs de la zone sahélienne seront ou resteront en-dessous du seuil de pauvreté[15], accentuant l’exode rural et diminuant ainsi les capacités de production laitière pastorale. Or l’élevage pastoral est le seul à-même de valoriser ces territoires.
Dans les grandes villes, où l’accès au lait local est plus difficile, l’habitude de consommer des produits à base de poudre, toujours disponible, peut devenir ou est déjà une norme gustative et culturelle, délaissant ainsi le lait local. S’il existe une certaine segmentation des deux marchés, les habitudes alimentaires peuvent bouger relativement vite, dans les deux sens.
Toutes ces contraintes ne seront pas surmontées sans une véritable politique laitière en Afrique de l’Ouest, qui donne la priorité à la production locale.
- Les exportations européennes vers l’Afrique de l’Ouest
Forte croissance des exportations de l’UE vers l’Afrique de l’Ouest
L’Union européenne produit de plus en plus de lait : avec près de 145 millions de tonnes en 2018, elle est le 1er producteur mondial, devant l’Inde et les USA, et le 1er exportateur. La production mondiale – 818 millions de tonnes en 2016- progresse au même rythme que la population mondiale. L’essentiel de la production étant consommé sur les marchés internes, le marché mondial ne représente qu’une faible part de la production mondiale (9%). Mais l’UE exporte une part de plus en plus grande de sa production (6% en 2007, 12% aujourd’hui), principalement des fromages, du beurre et des poudres de lait.
La Nouvelle Zélande ne produit que 3% de la production mondiale mais exporte 95% de sa production, soit environ un tiers du marché mondial (mais 56% de la poudre de lait entier et 60% du beurre). Le prix mondial est de fait indexé sur la météo et le coût de production – beaucoup plus bas- de Nouvelle-Zélande.
3 grands pays exportateurs de poudres de lait (non inclus le mélange MGV) dominent le marché :
Exportation poudres 2018 |
UE |
NZ |
USA |
En tonnes |
1.765.863 |
1.755.568 |
1 .187.813 |
Milk market observatory – UE
Les exportations de l’UE sont en augmentation constante depuis que l’UE a cessé de réguler sa production en 2015 (voir paragraphe 6).
|
2016 |
2017 |
2018 |
2018/2016 |
Total poudres de lait exportés par l’UE – en tonnes |
960.705 |
1.172.861 |
1.167.722 |
+ 21,5% |
Export mélange engraissé MGV – en tonnes |
760.541 |
743.831 |
797.453 |
+4.9% |
Eurostat – Jacques Berthelot
L’Afrique du Nord et l’Asie en sont les principaux destinataires, loin devant l’Afrique de l’Ouest. En 2018, l’UE a exporté vers l’Afrique de l’Ouest 92.620 tonnes de poudres de lait et 276.892 tonnes de mélange MGV (+24% depuis 2016). Le tableau ci-dessous montre que les exportations de poudres de lait vers l’Afrique de l’Ouest ne représentent qu’une faible part (8%), en baisse, ce qui n’est pas le cas pour le mélange MGV (35%), en hausse.
Export UE vers l’Afrique de l’Ouest |
2016 |
2017 |
2018 |
2018/2016 |
Poudres de lait (tonnes) |
93.360 |
98.258 |
92.620 |
0 % |
Mélange réengraissé MGV |
223.326 |
258.621 |
276.892 |
+ 24% |
% poudre de lait UE exportée vers Af. Ouest |
9.7% |
8.4% |
7.9% |
– 18.5% |
% mélange MGV UE exporté vers Af. Ouest |
29.4% |
34.8% |
34.7% |
+ 18% |
Eurostat – Jacques Berthelot
La plus grande part des exportations vers la CEDEAO provient d’Irlande, Pays-Bas, Pologne, Belgique, France (2018 – Eurostat) .
L’Afrique de l’Ouest importe également, en bien moindre quantité, de la poudre de lait d’Argentine, de Nouvelle-Zélande, …
Les importations de poudres de lait + mélange MGV ont représenté en 2018 un coût de 685,3 millions d’euros[16] pour l’Afrique de l’Ouest. La poudre de lait est importée le plus souvent sous forme de sacs de 25kg bénéficiant du tarif extérieur commun (TEC) très faible de 5% commun à la CEDEAO[17], tandis que le TEC pour le mélange MGV est de 20% La poudre est réensachée sur place en plus petits conditionnements, puis souvent en micro-dosettes très bon marché pour le consommateur.
L’UE prévoit d’augmenter encore sa production et ses exportations
L’UE prévoit une augmentation de sa production laitière de 0,8% par an jusqu’en 2030, où elle produirait 182 millions de tonnes, dont 25% d’export. Elle pourrait couvrir ainsi 35% de la demande mondiale en 2019-2030[18]. Alors que sa consommation intérieure stagne, l’UE choisit ainsi de miser de plus en plus sur le marché mondial. Elle veut rivaliser avec la Nouvelle-Zélande, qui a des coûts de production beaucoup plus bas et détermine le prix mondial, mais qui ne peut étendre sa production, son petit territoire étant confronté à des problèmes environnementaux liés à la surcharge d’animaux.
Implantations des laiteries européennes en Afrique de l’Ouest
Les industries laitières européennes s’intéressent depuis une trentaine d’années au marché laitier de l’Afrique de l’Ouest, plus activement depuis les 10 dernières, et leurs implantations se sont accélérées depuis la fin des quotas dans l’UE en 2015, afin de trouver de nouveaux débouchés à leurs excédents croissants de poudre de lait. Pour elles, l’AO est actuellement encore un petit marché : l’Algérie, l’Egypte, l’Asie, le Moyen-Orient sont de plus gros clients. Mais elles « lorgnent sur l’Afrique de l’Ouest »[19] , parce que c’est un marché d’avenir, étant donné son boom démographique, et veulent s’y placer en bonne position par rapport aux firmes concurrentes européennes ou d’autres continents.
Toutes les multinationales laitières européennes sont présentes en Afrique de l’Ouest, comme Lactalis (France), Arla Foods (Danemark), Nestlé (Suisse), Friesland-Campina (Pays-Bas), Danone (France), DMK (Allemagne), Glanbia (Irlande), Sodiaal (France), Milcobel (Belgique), …. sous forme d’acquisitions de firmes locales, de joint-ventures, de vente de licences ou de franchises. La plupart des investissements consistent en des usines de reconditionnement de la poudre de lait produite dans leurs usines en Europe. En 2013 par exemple, Danone a pris le contrôle de Fan Milk International au Nigéria, une société de distribution de lait présente dans 5 pays d’AO, avec plus de 80% du marché au Nigéria et au Ghana. Arla continue son implantation dans plusieurs pays : en 2017, elle a implanté une usine au Ghana, y créant … 8 emplois[20]. (Voir tableau des implantations en annexe 1).
Positionnement des multinationales laitières européennes en Afrique de l’Ouest
(d’après Corniaux, 2018)
Cependant, un nombre croissant de firmes, sous la pression des Etats ouest-africains voulant promouvoir la production locale, soucieuses de leur image de « responsabilité sociale », et aussi pour fabriquer plus facilement certains produits locaux typés, s’associent avec des laiteries locales et transforment à la fois le lait local et la poudre importée, comme Danone au Sénégal (Laiterie du Berger), Friesland Campina au Nigéria (Wamco), etc… Cet intérêt pour le lait local se renforce mais il ne concerne encore que 20% des entreprises, qui ne collectent que très peu de lait local, soit environ 30.000 litres (20% des capacités de la laiterie du Berger, 0,4% de celle de la Wamco, 1,3% pour Eurolait-Sodiaal au Mali, …)[21]
Principales laiteries industrielles collectant du lait en Afrique de l’Ouest (d’après Corniaux 2018)
La difficulté de collecter le lait issu du pastoralisme et la forte demande des grandes villes poussent les entreprises à s’intéresser aussi au développement de grandes fermes laitières spécialisées péri-urbaines, qui pourraient à l’avenir représenter une part importante du « lait local ». Cela pourrait réduire l’espace commercial du lait de brousse et mettre en péril la production pastorale.
Par ailleurs, les firmes laitières européennes, attirées par le développement de classes moyennes dans les grandes villes, ne se développent pas en Afrique de l’Ouest seulement pour y écouler leur poudre de lait, mais aussi leurs produits de grande consommation (yaourts, desserts laitiers, fromage blanc, etc…).
Les logiques financières qui encadrent ces implantations en AO sauront-elles s’allier avec les intérêts des populations rurales ouest-africaines pastorales et agro-pastorales et ceux des consommateurs urbains ? Le thème qui suit donne à réfléchir.
- Le boom des exportations européennes de mélanges de poudre de lait et de matières grasses végétales
Depuis quelques années, une part croissante des exportations laitières de l’UE vers l’Afrique de l’Ouest est constituée de poudre de lait maigre mélangée à des matières grasses végétales (MGV), le plus souvent de l’huile de palme[22], 12 fois moins chère que la matière grasse laitière. Classé comme « mélange de lait écrémé et de graisse végétale en poudre », ce succédané de produit laitier est vendu environ 30% moins cher que la poudre de lait entier sur le marché africain. Il permet ainsi une importante marge bénéficiaire pour les entreprises importatrices de mélange MGV puisqu’elles l’ont importé de l’UE à un prix inférieur de 58% en moyenne au prix de la poudre de lait entier de 2016 à 2018[23].
Le mélange se fait dans les usines des laiteries européennes qui ont multiplié les tours de séchage du lait en Europe ces dernières années. Ces MGV sont également ajoutées dans des laits concentrés, des blanchisseurs de café (creamers), des beurres, ….
Aujourd’hui, l’UE exporte surtout du mélange MGV vers l’Afrique de l’Ouest
Depuis 2015, l’Afrique de l’Ouest importe plus de mélange-MGV que de poudres de lait. En 2018, 74.9% des exportations UE de poudres de lait+ mélange vers l’Afrique de l’Ouest ont consisté en mélange MGV.
34,7% des exportations UE de mélange MGV sont à destination de l’Afrique de l’Ouest (voir partie 2), tandis que les deux tiers du mélange MGV importé en Afrique de l’Ouest provient de l’UE.
L’Irlande (firme Glanbia) arrive en tête des exportations de mélange MGV vers l’Afrique de l’Ouest.
En 2018, l’Afrique de l’Ouest a importé 276.892 tonnes de mélange MGV, soit 24% de plus qu’en 2016, et 234% de plus qu’en 2008 (figure ci-dessous). C’est le Nigéria qui arrive en tête des importations en provenance de l’UE, suivi du Sénégal, de la Mauritanie, du Mali … Au Sénégal par exemple, les importations de mélange MGV ont été multipliées par 4 entre 2001 et 2016. Cette forte augmentation se fait bien entendu au détriment des importations de poudre de lait entier aujourd’hui beaucoup plus chère que le mélange MGV: l’huile de palme remplace de plus en plus les matières grasses laitières dans la poudre.
Beaucoup d’investissements récents des firmes laitières européennes en Afrique de l’Ouest (Glanbia[24], Arla, Nestlé,…) sont liés au boom du mélange MGV, moins cher, qui accentue encore les difficultés des producteurs africains de lait local à développer leur marché.
Opacité
Il est difficile de tracer la production et le commerce du mélange MGV il n’est pas classé dans les produits laitiers et peut apparaître dans les statistiques douanières associées à d’autres « préparations alimentaires diverses ». Par ailleurs, certains pays d’Afrique de l’Ouest comme le Ghana ont une nomenclature tarifaire moins précise. Tant du point de vue institutionnel que des firmes laitières, une clarification est nécessaire, afin d’identifier précisément ce commerce en pleine croissance.
Pourquoi autant de poudre engraissée aux matières grasses végétales ?
ette forte augmentation est liée à plusieurs facteurs : politique laitière de l’UE, cours mondiaux, et stratégie des firmes européennes en AO :
- depuis la fin des quotas en 2015 et l’augmentation de la production laitière UE, les stocks européens de poudre ont fortement augmenté, jusqu’à 380.000 tonnes en 2017 (voir paragraphe 6). De plus, l’embargo russe sur les importations européennes et la fin, depuis 2018, de l’intervention UE, qui ne rachète plus la poudre de lait en excédent sur le marché, ont poussé les industries à trouver de nouveaux débouchés.
- le prix des matières grasses laitières (crèmes, beurres) a beaucoup augmenté sur le marché mondial : après avoir triplé en 2009, le prix du beurre s’est envolé à l’hiver 2016-2017, à plus de 6500 $ la tonne, soit 4 fois plus qu’en 2003. Cette hausse est due en partie au regain d’intérêt pour le beurre des consommateurs étasuniens depuis 2014 suite aux révélations des campagnes de désinformation contre le beurre par les firmes de graisses végétales, regain qui touche aujourd’hui également les consommateurs européens. La nouvelle classe moyenne asiatique, en forte augmentation, consomme également de plus en plus de beurre. Les industriels ont produit ainsi de plus en plus de crème et de beurre pour ce marché rémunérateur, le co-produit étant la poudre de lait maigre, qu’il faut écouler. Les stocks de poudre de lait maigre ont fait plonger son prix en 2017-2018, retrouvant son prix de 2003.
- En parallèle, le prix des huiles végétales a fortement baissé depuis 2011. L’huile de palme est de 15 à 20% moins chère que l’huile de soja, et 12 fois moins chère que le beurre (en équivalent matière grasse).
Le consommateur africain est souvent trompé, au risque de sa santé
Les produits laitiers réengraissés avec des matières grasses végétales ne sont pas toujours identifiés comme tels par le consommateur ouest-africain. Si l’origine végétale des produits est parfois mentionnée, cela n’est pas vrai pour tous les produits, en particulier pour les petits sachets de poudre transparents noués sans étiquette, vendus très couramment, ainsi que les yaourts locaux et les plats préparés. D’où une possible confusion sur laquelle jouent les publicités (images faisant référence au lait, à l’élevage).
Ces faux produits laitiers n’ont pas la même qualité nutritionnelle (acides gras, minéraux, vitamines) . Pour se rapprocher de la qualité nutritionnelle des matières grasses laitières, les industriels sont obligés d’ajouter des minéraux et vitamines dans les produits réengraissés. On est loin de la qualité nutritive d’un lait frais local !
Alors que ces produits sont vendus en masse, il n’y a pas d’études sur les conséquences en termes de nutrition et de santé publique, en particulier pour les nourrissons et femmes enceintes. Aucun produit ne mentionne la recommandation de l’OMS « NE CONVIENT PAS AUX NOURRISSONS ». La population ouest-africaine pauvre qui achète ces produits, sans savoir que ce ne sont pas des produits laitiers, n’en connaît pas les risques éventuels. Il est urgent que la recherche publique engage des études sur les effets de la consommation de ces mélanges de poudre de lait et de matières grasses végétales sur la santé.[27]
Par ailleurs, on ne peut ignorer les conséquences de la production d’huile de palme sur la déforestation dans les régions équatoriales, y compris en Afrique, où les plantations se développent, avec -entre autres- des investissements de firmes européennes.
- Des écarts de prix déloyaux vis-à-vis du lait local
La compétitivité des producteurs laitiers ouest-africains sur leur propre marché est mise à mal par le prix très bas des produits laitiers importés. La situation empire avec le développement des produits réengraissés en matières grasses végétales, encore moins chers.
Au Burkina-Faso, par exemple, un litre de lait local pasteurisé était vendu en 2018 à 600 Francs CFA (0,91 euros) contre 225 FCFA (0,34 euros) pour un litre de lait en poudre reconstitué. Au Sénégal, le litre de lait reconstitué à partir de poudre réengraissée valait entre 230 et 290 FCFA, contre 420 à 490 FCFA pour celui reconstitué à partir de poudre de lait entier.
Ces dernières années, l’écart de prix entre la poudre de lait entier (PLG) et le mélange MGV s’est amplifié
Prix FAB[28]/tonne en € |
mélange MGV |
PLG |
MGV/PLG |
2016 |
1862,3 |
2958,8 |
62% |
2017 |
2124,6 |
3574,2 |
59% |
2018 |
1956,9 |
3464,6 |
56% |
(Eurostat)
Prix de revente de la poudre de lait et des mélanges de lait et de graisse végétale en poudre sur le marché au détail de Ouagadougou (sept. 2018)
Marques |
Industrie de réensachage (pays) |
Emballage
(mat. grasses en g/kg) |
Prix
(Fcfa) |
Prix
(Fcfa/kg) |
Prix
(€/kg) |
Lait en poudre entier : |
Kossam |
Nima Industrie (Mali) |
Sachet de 200g (26g) |
750 |
3750 |
5,72 |
Laicran |
Cotim (Mali) |
sachet de 400g (26g) |
1700 |
4250 |
6,48 |
Mélange de lait écrémé et de graisse végétale en poudre : |
Vivalait |
Sitrapal (Togo) |
Sachet de 240 g (28,5g) |
700 |
2917 |
4,45 |
Vivalait |
Sitrapal (Togo) |
Sachet de 500 g (28,5%) |
1300 |
2600 |
3,96 |
- Duteurtre – C. Corniaux , op. cit –
Ces écarts de prix sont importants pour des populations majoritairement pauvres, qui n’ont guère d’autre choix que d’acheter le lait le moins cher. Cependant, étant donné que la consommation de produits laitiers par ces populations ne représente qu’une faible part des dépenses des ménages, l’argument de la sécurité alimentaire pour justifier une politique de bas prix des poudres de lait importées ne se justifie pas.
Pour rapprocher les prix de ces deux sources d’approvisionnement, on peut soit baisser les coûts de production et donc le prix du lait local, soit augmenter le prix des produits importés. Nous venons de voir que le prix de ces derniers baisse et que l’UE prévoit d’en exporter davantage. A l’heure actuelle, la tendance irait donc plutôt vers la première option, en intensifiant la production laitière dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest et en diminuant les frais de collecte. C’est ainsi que la Laiterie du Berger au Sénégal (Danone) a pu abaisser le coût du lait rendu usine de 370 FCFA/kg en 2013 à 315 FCFA en 2015 puis 2017[29].
Les Etats d’Afrique de l’Ouest rechignent à augmenter les droits de douane de la poudre de lait importée ou du mélange MGV (5% seulement), qu’ils classent comme des « produits de première nécessité », afin de maintenir une alimentation la moins chère possible pour les populations urbaines pauvres.
Nous verrons dans le paragraphe 6 que le prix bas auquel parvient la poudre de lait européenne en Afrique de l’Ouest est un prix quelque peu artificiel, lié aux politiques laitière et agricole européennes, qui subventionnent les exploitations et permettent aux laiteries d’acheter le lait aux producteurs à un prix inférieur à leur coût de production.
Par ailleurs, s’il reste le critère le plus important par rapport au pouvoir d’achat, le prix n’est pas le seul : le goût et la typicité du produit peuvent conduire le consommateur vers des produits locaux traditionnels plutôt qu’importés. L’inverse est aussi vrai : les générations urbaines s’habituent aux goûts des produits importés et peuvent devenir réticents par rapport aux produits locaux. A Dakar par exemple, le goût du lait en poudre est apprécié au petit déjeuner.
Au Burkina-Faso, « la consommation du lait local est entrée dans les habitudes alimentaires. Les Burkinabés savent qu’on peut transformer le lait frais en yaourt et donc de plus en plus de personnes préfèrent le yaourt fait à base de lait local au yaourt issu du lait en poudre » [30], indique Ibrahim Diallo, président de l’union nationale des mini-laiteries et producteurs de lait du Burkina-Faso.
Au Niger : un industriel dépassé par le succès de la production de lait local
Le lait local n’est pas compétitif, du point de vue du prix, face à la poudre vendue en vrac, encore moins face à la poudre low cost réengraissée. Il est en revanche tout à fait compétitif par rapport au sachet Nido de 26 g qui est vendu 200 FCFA. Très répandu dans les kiosques des vendeurs de rue, ce sachet de la marque Nestlé ne permet de faire qu’un seul verre de lait. Le litre revient alors à 1 000 FCFA, soit deux à trois fois le prix du lait local. La limite ici n’est pas le prix, mais la conservation qui donne l’avantage à la poudre de lait. L’argument souvent avancé de non compétitivité du lait local doit donc être nuancé et ne devrait pas démotiver d’investir dans les filières lait local. En dépit de ce contexte globalement défavorable, le projet Nariindu, qui associe un industriel nigérien, des centres de collecte paysans multiservices et est soutenu par l’Iram et Karkara, a considérablement amélioré la qualité du lait livré, augmenté la quantité collectée (+ 600 % en six ans pour le centre d’Hamdallaye) et diminué la saisonnalité de la production. …L’offre de lait local dépasse à présent la capacité d’écoulement de l’industrie partenaire, qui a imposé des quotas limitant les quantités achetées en 2017. Cet industriel produit du lait pasteurisé en sachets, des yaourts et du lait caillé. La demande des consommateurs pour ces produits étant également croissante, l’industriel a décidé d’investir pour accroître sa capacité.[31]
- Conséquences désastreuses pour les producteurs ouest-africains et européens
Prix du lait en-dessous des coûts de production dans l’UE, prix du lait importé beaucoup moins cher que le lait local en Afrique de l’Ouest : les politiques menées ont un coût social énorme au nord et au sud.
Des producteurs ouest africains en sursis ?
En 2015, Ibrahim Diallo, expliquait : « avec la levée des quotas et l’embargo russe, vers où les Européens vont-ils se tourner ? vers l’Afrique et cela nous inquiète beaucoup. Aujourd’hui le lait en poudre est devenu tellement moins cher qu’on n’est pas compétitif sur le marché. En plus notre coût de production est de plus en plus élevé ».[32]
Etant donné les nombreuses contraintes qui pèsent sur la production laitière ouest-africaine (voir paragraphe 1) et les importations à bas prix, la tendance actuelle à combler le déficit en lait local par du lait importé va s’accroître, voire s’accélérer avec le développement des importations de mélange réengraissé-MGV. Cela freine considérablement le développement de la production laitière.
Pour avoir envie de produire plus, il faut que le prix du lait soit juste et que ce prix ne soit pas seulement entre les mains de la laiterie. Si, comme en Europe, l’intensification de la production a pour objectif d’abaisser le prix du lait local, l’augmentation de productivité profite à l’aval et non aux producteurs. D’où l’importance de mettre en place des mini-laiteries entre les mains des éleveurs, en lien entre elles pour faire face aux géants européens. Par ailleurs, la modernisation et le développement de la filière ne doit pas écarter pas les femmes des nouveaux revenus générés et de la prise de décision.
Dans les circuits locaux plus courts comme les mini-laiteries, la part des producteurs dans le prix aux consommateurs est plus élevée.
Si les politiques africaines et européennes sont réorientées, si les erreurs du productivisme européen n’y sont pas reproduites, les producteurs ouest-africains ont devant eux un marché florissant qui pourrait valoriser leurs territoires et réduire la pauvreté des zones rurales. Dans le cas contraire, beaucoup d’entre eux resteront en sursis précaire ou déserteront les zones pastorales, y aggravant la pauvreté, l’exode et l’insécurité.
« Le mélange engraissé à l’huile de palme nous tue à petit feu »[33]
Les producteurs européens sur un baril de poudre : de plus en plus de lait, de moins en moins de producteurs, et toujours pas de revenu
Si l’Afrique de l’Ouest importe autant de poudre de lait européenne, on pourrait croire que cela profite aux producteurs européens. Ce n’est pas le cas pour la plupart d’entre eux. Le lait leur est payé le plus souvent à des prix inférieurs à leurs coûts de production et ceux qui survivent le peuvent grâce aux subventions européennes et nationales, mais souvent aussi grâce au salaire extérieur de leur conjoint.
De 1983 à 2013, le nombre d’exploitations laitières dans les 10 premiers Etats membres de l’UE a diminué de 81%. Dans l’UE à 28, il restait 600.000 exploitations laitières spécialisées en 2013. En France, par exemple, le nombre de producteurs, après être passé de 155.000 à 80.000 entre 1995 et 2010[34], pourrait se réduire à 20.000 seulement en 2035.
Depuis l’annonce de la fin des quotas, les producteurs européens ont déjà vécu deux crises laitières importantes qui ont vu le prix s’effondrer en 2009 et 2015-2016, et un grand nombre d’exploitations laitières disparaître.
Les fermes danoises, avec plus de 400 vaches en moyenne, souvent considérées comme modèle d’intensification à suivre, sont fortement endettées (20.000€ par vache en 2010[35]), très dépendantes des banques et menacées de faillite quand le prix du lait plonge. Le nombre d’exploitations laitières y est passé de 33.000 en 1984 à 3.000 en 2014.
L’UE a choisi la fuite en avant de la surproduction et de l’exportation de poudre de lait, à faible valeur ajoutée, dans une course suicidaire – pour les producteurs- à l’abaissement des coûts de production avec les autres pays exportateurs. Si l’on continue dans la voie actuelle, 15.000 usines à lait de 1000 vaches produisant 10.000 litres de lait par an suffiraient à réaliser la production européenne actuelle.
Depuis la fin des quotas en 2015, la Commission européenne ne cesse de faire miroiter aux producteurs un marché mondial en croissance et les pousse à produire plus, ce qu’ils font. Alors que les coûts de production augmentent, le prix du lait monte et descend, au gré des aléas du marché mondial , sur lesquels les producteurs n’ont pas de prise.
Poudre de lait…. poudre aux yeux ?
Rappelons que le marché mondial est un marché résiduel, représentant moins de 10% de la production, portant surtout sur des produits industriels (poudre, beurre, fromages-ingrédients) peu rémunérateurs pour le producteur européen, alors que le marché européen de produits frais élaborés et de fromage de qualité est important et serait rémunérateur si le prix du lait n’était pas basé sur les cours mondiaux des produits d’exportation. En 2015, les poudres de lait ne représentaient que 2,9% des produits laitiers finaux dans l’UE[36]. La transformation (coopérative ou privée) et la grande distribution accaparent les marges réalisées auprès des consommateurs européens sur les produits élaborés.
L’UE s’intéresse à la production, à l’exportation, beaucoup moins aux producteurs.
Par ailleurs, l’industrialisation des exploitations laitières sur le modèle danois, dont le faible revenu repose souvent sur la vente subventionnée de biogaz, le soutien des banques et autres facilités, a d’autres externalités négatives, en particulier sur l’environnement et le climat : absence de pâturage, forte consommation de soja importé d’Amérique du Sud, déplacement de la production vers les ports d’importations du soja au détriment des régions de prairies permanentes plus enclavées, émissions de méthane et d’ammoniac, …
En résumé :
- Les producteurs de lait ouest-africains sont concurrencés sur leur marché par les importations de produits européens, qui freinent le développement de la production locale,
- les producteurs européens sont déstabilisés par les prix du lait trop bas et, malgré les subventions européennes , voient voir leur nombre diminuer rapidement,
Si les producteurs sont perdants, qui sont les gagnants ?
- La responsabilité des politiques européennes
Les politiques laitière, agricole, commerciale de l’Union européenne et de l’Afrique de l’Ouest sont en cause dans ce désastre en cours. Nous nous intéresserons ici essentiellement aux politiques européennes, éloignées de leur obligation de cohérence au service du développement.
La politique laitière européenne
Pendant 31 ans, de 1984 à 2015, l’UE a régulé sa production laitière grâce à des quotas laitiers limitant le volume de production européen, réparti entre les Etats membres et les producteurs, selon des références historiques. Il s’agissait pour l’UE davantage de juguler les dépenses (achat des excédents sur le marché, stockage, aide à l’exportation) liées aux montagnes d’excédents produits auparavant que de maintenir un nombre important de producteurs. L’intensification de la production, avec moins d’exploitations produisant davantage, restait à l’ordre du jour.
Le quota laitier européen a été fixé à une hauteur inférieure au niveau de production antérieur, mais supérieur de 10% à la consommation européenne, afin de maintenir des exportations (subventionnées) et aussi de faire pression sur le prix du lait payé aux producteurs. La production laitière a été alors stabilisée, et les dépenses européennes du secteur laitier ont diminué, grâce à cette régulation du marché, tandis que les dépenses des autres secteurs non régulés augmentaient[37].
Mais en 2003, la politique laitière européenne est mise en accord avec la nouvelle orientation de la Politique agricole commune (voir point suivant): dérégulation des marchés, alignement des prix européens sur les prix mondiaux, compensation partielle de la baisse des prix par une aide directe aux producteurs, découplée de la production, abaissement des droits de douane sur les importations de produits laitiers, qui restent cependant élevés. Cette nouvelle orientation a été poussée par l’industrie laitière, qui veut s’approvisionner à bas prix et conquérir des marchés à l’exportation.
L’UE annonce la fin des quotas pour 2015, avec une augmentation progressive du quota européen à partir de 2008, accompagnant la baisse des prix : pour les producteurs, il s’agit de produire plus… pour gagner moins. Les producteurs doivent « suivre les signaux du marché », sur lequel l’UE doit intervenir le moins possible[38].
Ce qui devait arriver arriva : après un court épisode de hausse du prix du lait en 2007-2008 due à une conjoncture internationale passagère, le prix s’effondre en 2008 au moment où l’UE confirme l’abandon des quotas et augmente la production : une très grave crise se développe en 2009, avec de fortes mobilisations des éleveurs, allant jusqu’à des grèves de livraison. Un tiers des exploitations laitières disparaît entre 2007 et 2010.
La Cour des Comptes de l’UE publie en octobre 2009 un rapport d’évaluation sur les quotas laitiers et constate que « les quotas laitiers ont limité efficacement la production mais que leur niveau s’est avéré longtemps trop élevé par rapport aux capacités du marché à absorber les excédents… Il incombe à la Commission et aux Etats membres d’orienter en priorité leurs efforts vers la satisfaction des besoins du marché domestique européen et, complémentairement, vers la production de fromages et d’autres produits à haute valeur ajoutée exportables sans aides budgétaires »[39]. Mais la Commission européenne passe outre et, sous la conduite de la Commissaire danoise Mariann Fischer-Boel, rétorque que l’adaptation au marché domestique « n’est ni un objectif politique ni un objectif économique »[40].
En 2012, sous l’égide du Commissaire roumain Dacian Ciolos, l’UE, pour calmer la colère des éleveurs, décide une adaptation de sa politique laitière (le « paquet lait ») censée donner plus de pouvoirs aux éleveurs à travers la contractualisation obligatoire avec les laiteries – ce qui revient à privatiser la politique laitière au profit des laiteries-, et l’incitation à créer des organisations de producteurs, mais avec de telles limites que le pouvoir restera aux laiteries.
Après la fin des quotas en 2015, la production « libérée » explose et c’est de nouveau la crise, d’autant plus que l’embargo russe sur les exportations UE et la demande moins forte de la Chine pèsent sur les cours. En 2015-2016, les éleveurs européens perdent 20 milliards d’euros de revenu[41]. Mais la Commission, sous la responsabilité du commissaire irlandais Phil Hogan -dont le pays a les coûts de production les plus bas de l’UE grâce à la douceur de son climat et entend bien doubler sa production- refuse d’agir. Le prix du lait tombe alors en-dessous du seuil d’intervention de 220€/tonne, pourtant fixé très en-dessous des coûts de production d’environ 375€/tonne, et l’UE doit racheter massivement de la poudre de lait sur le marché, jusqu’à 380.000 tonnes, aux frais des contribuables.
En juillet 2016, sous la pression des éleveurs et de certains ministres, la Commission consent à engager un programme volontaire de réduction de la production, auquel beaucoup d’éleveurs participe, avec succès[42]. La production diminue, le prix remonte. Mais la leçon n’est pas retenue et, à l’automne 2017, la production UE dépasse toutes les prévisions. Cependant, dans sa proposition du 1er juin 2018 de réforme PAC post 2020, la Commission ne reprend pas la mesure de 2016 et parie toujours sur le marché mondial.
Aujourd’hui, grâce notamment à une forte sécheresse en 2018 en Europe, la production s’est stabilisée et les stocks de poudre de lait ont fondu, bradés -sans transparence- par la Commission européenne en pesant sur les cours. Le prix du lait, un peu plus élevé (0,35€/l en décembre 2018), reste en-dessous du coût de production de nombreuses exploitations.
L’Union européenne reste le grand perturbateur du marché mondial, pouvant le saturer en quelques mois. Sans régulation de la production en amont des crises, sans priorité donnée au marché interne et à des produits à haute valeur ajoutée, sans redistribution de la valeur ajoutée dans la filière laitière, les prochaines crises sont déjà annoncées, avec leur lot de restructuration, de suicides d’éleveurs, et d’excédents de poudre de lait à écouler sur les marchés asiatique et africain.
La concurrence déloyale de la PAC sur les marchés extérieurs
On ne peut comprendre la politique agricole et laitière européenne d’aujourd’hui et ses effets sur les pays tiers sans revenir sur le lien essentiel de la Politique agricole commune (PAC) avec les règles du commerce international agricole, qui datent de 1994.
La Commission européenne ne cesse de le clamer haut et fort à chacune de ses interventions : l’UE a éliminé, depuis la réforme PAC de 1992 et celles qui ont suivi, les subventions à l’exportation, qui ont des effets de distorsion sur les échanges. C’est vrai. Mais les subventions internes aux exploitations, à l’industrie, qui représentent la plus grande partie du budget de la PAC, n’ont-elles aucun effet ?
Ici, il nous faut revenir à la réforme majeure de la PAC en 1992, en parallèle des négociations GATT[43] sur les règles du commerce international agricole. A cette époque, les USA et l’UE, accusées de dumping par les pays tiers à cause des subventions aux exportations qu’elles pratiquaient, se sont entendues en 1992 pour utiliser une « faille » des règles du GATT.
D’après le GATT, le dumping est l’exportation d’un produit à un prix inférieur au prix du marché domestique. C’était le cas de l’UE dans la première PAC de 1962 à 1992, où les prix agricoles européens étaient plus élevés que sur le marché international, ce qui nécessitait des restitutions (subventions) à l’exportation pour abaisser le prix au niveau mondial. C’était effectivement déloyal vis-à-vis des pays tiers.
Pour ne pas perdre leur domination sur les marchés agricoles internationaux de l’époque, USA et UE ont trouvé une solution leur permettant de continuer à subventionner leur agriculture et à exporter, sans être accusés de dumping. Il leur suffisait pour cela d’abaisser leurs prix agricoles aux prix mondiaux et de compenser cette baisse par des aides directes aux exploitations, d’abord semi-couplées à la production, puis découplées à partir de 2003, en prétendant que les aides découplées n’ont pas d’effet de distorsion sur les échanges.
Les rapports de force économiques et géostratégiques de l’époque leur ont permis d’imposer l’adoption de ces nouvelles règles, devenant les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994.
Ce fut l’un des principaux moteurs de la réforme PAC de 1992 et des 4 réformes qui ont suivi. Les règles du commerce international formattent la PAC et les autres politiques agricoles dans le monde.
Plaçons-nous maintenant dans la position du producteur de lait sénégalais qui voit arriver dans le port de Dakar des sacs de poudre de lait européenne qui lui font concurrence. Avant la réforme lait de 2003, ces sacs pouvaient arriver au prix mondial grâce aux subventions à l’exportation de l’UE. Depuis 2003, les mêmes sacs arrivent au port de Dakar, toujours au prix mondial, sans aides à l’exportation de l’UE. Mais elles ont pu être achetées au producteur européen à ce prix mondial, inférieur à son coût de production, parce que l’UE a versé des aides qui permettent au producteur de lait de vendre son lait à un prix inférieur à son coût de production. Pour le producteur de lait sénégalais, la situation n’a pas changé et la concurrence déloyale est la même, comme l’effet de distorsion, que la subvention UE soit couplée à ou découplée de la production.
Mais l’UE peut clamer qu’il n’y a plus de dumping parce qu’elle exporte au même prix que le prix du marché intérieur : c’est là l’astuce de la définition du dumping du GATT et non celle courante qui est celle d’un produit vendu à un prix inférieur à son prix de revient. Cependant le 3 mars 2005[44], l’Organe d’appel de l’OMC a infirmé cette définition, reprenant la définition courante et condamnant les USA pour leurs subventions aux producteurs de coton. Les USA ont abandonné ensuite leurs subventions découplées de la production, pas l’UE.
Les subventions PAC dont bénéficient les exploitations laitières et les surfaces consacrées à l’alimentation du bétail et aux fourrages contribuent donc aux exportations de poudre de lait à bas prix de l’UE vers l’Afrique de l’ouest. Elles ont bien un effet de distorsion sur les échanges et pourraient être attaquées devant l’OMC. Le montant perçu pour chaque litre de lait s’élève en moyenne à 6,74 centimes d’euro, soit 44,2 FCFA par litre[45].
Ces subventions ne compensent même pas entièrement le fait que le prix du lait payé aux producteurs européens est inférieur à leur coût de production. Sans les primes PAC, et sans la forte protection du marché intérieur par des droits de douane élevés, les producteurs seraient en faillite. Les primes sont là pour qu’ils continuent à produire et à approvisionner l’aval à des prix inférieurs aux coûts de production[46] : la PAC a institutionnalisé la vente à perte et c’est là le deuxième moteur principal de la réforme PAC de 1992, toujours en pleine action. Les primes PAC sont en fait des subventions des contribuables à l’industrie laitière et à la grande distribution[47].
Le contribuable européen sait – il qu’il finance ainsi Lactalis et Carrefour, Arla et Tesco, Danone et Aldi, … ? Sait – il qu’il finance l’exportation de poudre de lait à bas prix vers l’Afrique de l’Ouest ?
Par ailleurs, il faudrait ajouter aux subventions PAC tous les financements européens et nationaux aux infrastructures, moyens de transport, crédit, ainsi que les subventions nationales à l’énergie produite par les méthaniseurs des grandes exploitations laitières. Toutes ces subventions facilitent la production et l’exportation et n’ont pas d’équivalent en Afrique de l’Ouest.
La politique commerciale européenne : les APE au détriment de l’Afrique de l’Ouest
Si les règles actuelles du commerce international, on vient de le voir, favorisent les exportations de poudre de lait à bas prix, les accords commerciaux dits de « partenariat économique » (APE) entre l’UE et plusieurs régions en développement, dont l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO + Mauritanie) sont déterminants. Il s’inscrivent, pour l’UE, dans une stratégie de multiplication d’accord régionaux ou bilatéraux de «libre» échange. D’ailleurs, c’est la DG commerce de la Commission européenne qui pilote ces accords, et non plus la DG Développement et Coopération. Pour Christiane Taubira, auteure d’un rapport sur les APE pour le gouvernement français, « les APE sont des accords de commerce et non de développement »[48].
L’Union européenne, qui a construit sa force de frappe exportatrice laitière en protégeant son marché depuis le début de la PAC[49], veut imposer aux pays d’Afrique de l’Ouest, en développement, de libéraliser leur commerce avec l’UE avant d’avoir consolider leur économie.
En 2001, l’UE avait accordé, dans son dispositif « Tout sauf les armes » (TSA) en faveur des pays les moins avancés (PMA), un libre accès à son marché tout en continuant à pouvoir taxer les importations de l’UE. Les APE annulent le TSA en imposant la suppression des droits de douane sur 80% des exportations de l’UE.
L’APE régional avec l’Afrique de l’Ouest a été finalisé en 2014, mais le Nigéria, qui représente la moitié de la population régionale, refuse jusqu’à aujourd’hui de le ratifier, pour ne pas contrecarrer l’industrialisation de son pays et son commerce avec les autres pays de la région.
La réélection fin février 2019 du Président Muhammadu Buhari laisse à penser que, très vraisemblablement, l’APE régional ne sera jamais finalisé.
Deux accords intérimaires (APEi) ont été signés avec la Côte d’Ivoire et avec le Ghana. L’APEi de la Côte d’Ivoire est entré en vigueur le 1er janvier 2019 : il prévoit, entre autres, l’abaissement du droit de douane sur les sacs de 25 kg de poudre de lait de 5% à 0% en 2024. L’APEi du Ghana devrait entrer en vigueur en 2020 et prévoit un abaissement progressif de ce droit de douane dans les années suivantes[50]. Le risque est réel que la poudre de lait moins taxée transite depuis le Ghana et la Côte d’Ivoire vers les autres pays de la CEDEAO sans APE, qui gardent le TEC à 5% de la CEDEAO.
Concernant le mélange MGV (code 19019099), le TEC régional est de 20%. Avec ou sans APE régional, il continuera de s’appliquer aux autres Etats d’Afrique de l’Ouest sans APE intérimaires, car, dans l’APE, il a été exclu de la libéralisation. Par contre dans l’APEi de Côte d’Ivoire le droit de douane du mélange MGV passera à 5% dans 13 ans et au Ghana il passera de 10% à 5 puis 0% en 2030, d’où un risque accru de réexportation par la Côte d’Ivoire et le Ghana vers les autres Etats.
Malgré les critiques du Parlement français et de gouvernements de l’UE (Royaume-Uni, Allemagne), du Président du Ghana, du Nigéria, vis-à-vis des APE, la Commission européenne, qui négocie au nom des 28 états, a refusé de modifier l’accord APE finalisé en 2014 et n’a pas reconnu 3 études d’évaluation de l’APE, négatives, qu’elle avait commandité elle-même[51].
L’UE prétend ne pas avoir d’ «intérêt offensif commercial » agricole vis-à-vis de l’Afrique de l’Ouest, les volumes d’échange concernés n’étant pas encore très importants -excepté pour le mélange MGV-, comparés au commerce agricole avec d’autres régions du monde. Pourtant, elle cherche à imposer l’APE régional et avance les pions de ses firmes laitières (et autres) en Afrique de l’Ouest, terrain de jeu géostratégique face à la Chine.
L’UE est également engagée dans la négociation de l’accord succédant à celui de Cotonou entre l’UE et 79 Pays ACP (Afrique, caraïbes, Pacifique), signé en 2000 et qui expire en 2020. Cet accord comportera un volet UE-Afrique. Le Conseil européen a adopté le mandat de négociation donné à la Commission européenne en juin 2018. La Commission espère la fin de la négociation à l’été 2019.
« Les négociations d’APE en cours doivent cesser, les APE signés ne doivent pas entrer en vigueur sous leur forme actuelle et les APE intermédiaires doivent être révoqués » – Confédération internationale des Syndicats (ITUC) – 10 octobre 2017[52]
Les responsabilités des politiques ouest-africaines
Si la CEDEAO a lancé en 2015 une « offensive lait local 2025 » (voir partie 8), force est de constater que les importations n’ont jamais été aussi importantes. Les gouvernements de la CEDEAO ont fixé un TEC sur les poudres de lait de 5% seulement (il est de 60% dans la Communauté d’Afrique de l’Est) et de 20% pour le mélange MGV. Ils ont négocié un accord APE avec l’UE qui libéralise complètement les importations de poudres de lait[53] classiques dans les prochaines années, en maintenant cependant le taux de 20% pour le mélange MGV. On a vu que cet accord ne rentrera sans doute pas en vigueur.
Il n’existe pas d’étiquetage régional clair obligatoire des produits alimentaires et les firmes laitières qui investissent dans le reconditionnement de la poudre de lait ne sont pas obligées partout d’investir dans la transformation de lait local. Voilà quelques décisions ouest-africaines qui ne favorisent pas le lait local.
Face aux pressions des firmes laitières européennes, des firmes européennes d’import/export et de celles qui contrôlent certains grands ports ouest-africains, face aux pressions de l’Union européenne, mais aussi celles des importateurs ouest-africains, les gouvernements de la CEDEAO font pour l’instant le choix d’un approvisionnement en lait importé le moins cher possible pour leur population urbaine pauvre en augmentation.
Il est probable que les rapports de force économiques, financiers, stratégiques limitent ses marges de manœuvre, mais avec un marché de 400 millions de consommateurs, bientôt de 800 millions -beaucoup plus grand que celui de l’UE-, la CEDEAO pourrait peser davantage dans ses choix et renforcer sa souveraineté alimentaire.
L’Afrique de l’Ouest pourrait s’inspirer de l’Inde, qui a protégé sa production laitière en 1960 (ou du Kenya, en 2000). Avec ses millions de vaches locales à bas rendement et de tous petits troupeaux familiaux, et 1,3 milliard d’habitants, l’Inde est aujourd’hui autosuffisante et exportatrice nette de produits laitiers[54] , avec un haut niveau de consommation.
Par ailleurs, en mars 2018, 13 pays d’Afrique de l’Ouest ont signé, avec 31 autres pays, la ZLEC (Zone de libre-échange Continentale Africaine) sur un total de 55 Etats de l’Union africaine, mais le Nigéria reste le seul Etat d‘Afrique de l’Ouest à ne pas l’avoir signé à ce jour. Les protocoles sur les droits de douane et les règles d’origine ne sont pas encore finalisés. La ZLEC prévoit une ouverture des marchés à 90% pour les produits échangés entre pays africains membres. Ce processus a été largement soutenu par l’UE.
La conjugaison des APEi de la Côte d’Ivoire et du Ghana, du TEC de la CEDEAO et de la ZLEC risquent d’aboutir à une situation encore plus difficile pour les pays d’Afrique de l’Ouest et le TEC sera fragilisé par les 2 APEi.[55] Toutefois la ZLEC, projet sans doute prématuré avant la consolidation de l’intégration régionale des Communautés économiques régionales d’Afrique, ne sera pas opérationnelle à court terme.
Alors que 50% de la population est rurale et dépend de l’agriculture, que les territoires à valoriser sont immenses, que les besoins sont grands en infrastructures, électricité, organisation des filières, formation technique, … la part de l’agriculture dans les budgets ouest-africains est encore trop faible (3%, malgré l’engagement de Maputo en 2003 d’engager 10% de leurs budgets nationaux au profit de l’agriculture).
- La responsabilité des firmes laitières européennes
Pierre Gattaz, Président du syndicat patronal français : « L’agriculture ivoirienne représente un eldorado pour l’agroalimentaire français … La stratégie reste de chasser en meute et d’installer durablement des filiales d’entreprises françaises ». [56]
Emmanuel Faber (DG Danone), « l’Afrique est le continent de demain. Nous investissons aujourd’hui sur ce continent comme nous l’avons fait en Asie il y a 15 ans »[57].
Les firmes laitières européennes, qui sont, nous l’avons vu, très implantées en Afrique de l’Ouest et continuent d’y investir, ont une responsabilité importante dans la situation actuelle et à venir.
Elles ont d’abord une responsabilité dans la politique laitière européenne, une politique d’excédents, qu’elles ont favorisée et influencée. Elles ont poussé à la suppression des quotas laitiers, à l’augmentation de la production, pour abaisser le prix du lait et conquérir des marchés à l’export, sans se soucier des producteurs d’Europe et des pays tiers.
En Afrique de l’Ouest, elles sont responsables d’une tromperie envers les consommateurs lorsque leurs produits ne sont pas étiquetés correctement ou, pire, font croire à un produit laitier, alors que c’est un produit à l’huile de palme. Elles sont responsables pour les campagnes de publicité mensongères profitant de la trop faible législation ou de son contrôle insuffisant.
Leur implication dans la transformation du lait local, encore minime, s’accroit (voir carte -partie 2) et elles le font savoir, soucieuses de leur obligation de « responsabilité sociale » (RSE) et de leur image, après les campagnes menées en Afrique de l’Ouest et en Europe en faveur des producteurs ouest-africains. Mais le boom de leurs exportations de lait réengraissé-MGV beaucoup moins cher, mal étiqueté et moins nutritif, écorne cette image de « social business ». Quelle sera leur priorité dans les prochaines années ? Le lait local ou le mélange MGV ?
Etant donné la très faible part de lait collecté transformé par rapport au lait produit, les firmes laitières européennes pourraient facilement augmenter les capacités de collecte et de transformation du lait local. Si elles n’y ont aucun intérêt économique actuellement, une vision à long terme de leur implantation sur le marché ouest-africain pourrait les motiver.
Les firmes européennes, face au prix volatil de la poudre de lait, anticipent l’éventualité – qui n’est pas à l’ordre du jour actuellement- d’un prix élevé de la poudre de lait, ou bien celle d’une obligation des pays d’Afrique de l’Ouest de traiter davantage de lait local. Elles sont tentées, à l’instar de Friesland Campina et Arla au Nigéria, de la Laiterie du Berger et Kirène au Sénégal[58], de développer des fermes laitières spécialisées, sur un modèle plus intensif. Cependant, si cette intensification s’accompagnait d’une baisse des prix à la production, comme nous l’avons connu en Europe, elle ne bénéficierait pas aux éleveurs, surtout à l’élevage pastoral, dont les coûts sont plus élevés.
- Initiatives en faveur de la filière laitière locale ouest-africaine
Convergence entre producteurs européens et ouest-africains
S’ils connaissent des réalités bien différentes, producteurs ouest-africains et européens sont en butte au même cadre des politiques agricoles et commerciales. Depuis longtemps, des organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest et d’Europe se rencontrent, prennent des positions communes pour peser sur leurs décideurs politiques respectifs.
En 2005, par exemple, face à la négociation des accords APE, des organisations paysannes européennes et africaines signaient une déclaration commune[59] indiquant qu’«un tel accord ne manquerait point de nuire à l’agriculture familiale africaine dans la mesure où il mettrait en concurrence les productions agricoles d’Afrique et celles importées à bas prix de l’UE, parce qu’insuffisamment voire pas du tout taxées aux frontières. Il ne peut y avoir d’échange juste qu’entre économies et compétitivités comparables ».
Face aux crises laitières récurrentes en Europe et au boom des exportations de poudre de lait vers l’Afrique de l’Ouest, des relations plus continues et des projets se sont développés ces dernières années entre organisations de producteurs de lait. Erwin Schöpges, responsable du MIG[60] et initiateur de la marque Fairebel en 2010 en Belgique, a contribué en 2016 à la mise en place de la « marque de plaidoyer » Fairefaso[61], en lien avec l’UPMLB (Union nationale des mini-laiteries et producteurs du lait local du Burkina). Ces labels permettent de mieux rémunérer les producteurs : en plus du prix payé au producteur par la coopérative, une part du prix payé par le consommateur est redistribué au producteur par la coopérative.
En Europe, une partie importante de la profession agricole et de leurs coopératives mise encore sur un marché mondial volatil et souvent non rémunérateur. Si l’Afrique de l’Ouest venait à réduire ses importations de poudre de lait, les producteurs européens en seraient cependant relativement peu affectés, ce marché ne représentant actuellement qu’une faible part des exportations européennes de poudres de lait (voir partie 2) .
Initiatives institutionnelles
La CEDEAO a décidé en 2015 une nouvelle politique agricole ECOWAP 2016-2025, fixant comme priorité « le développement de la production agricole et des filières ouest-africaines en vue de répondre à la demande du marché régional »[62].
Sous la pression commune des organisations de producteurs (APESS, ROPPA,RBM,CURET) la CEDEAO a lancé une Offensive régionale pour la promotion du lait local pour augmenter de façon substantielle la production locale du lait frais en améliorant la productivité du cheptel, améliorer l’approvisionnement de l’industrie laitière régionale au moyen de la collecte d’au moins 25 % de la production régionale de lait local à l’horizon 2025 et promouvoir un environnement incitatif au développement des chaines de valeur du lait local.[63] Le dernier point laisse envisager une modification de la fiscalité interne et des droits de douane. Cependant le portage par la CEDEAO de cette Offensive lait reste encore à construire.
Le Nigéria, de son côté, négocie l’augmentation de la collecte par les coopératives étrangères comme Friesland Campina, avec un passage de 3 % à 10 % de la production sur 10 ans.
L’exonération du lait pasteurisé issu de lait local au Sénégal[64]
A l’occasion de la 4ème édition de la Journée Nationale de l’Elevage, en décembre 2017, le Président de la République du Sénégal Macky Sall a annoncé la décision d’exonérer la TVA sur le lait pasteurisé à base de lait local, répondant ainsi à une demande des organisations d’éleveurs confrontés à la concurrence des poudres importées sur le marché de la transformation. A ce jour, la mesure n’a pas encore été mise en application. Anticipant la décision, la Laiterie du Berger a d’ores et déjà annoncé une augmentation du prix du lait payé aux éleveurs.
Au Parlement européen, la Commission Développement a adopté le 14 mars 2018 (avis Noichl) et le 7 février 2019 (avis Heubuch) des avis sur la prochaine réforme de la PAC, demandant notamment l’inscription de la cohérence politique pour le développement comme un des objectifs de la PAC.
Le Comité européen des Régions, dans son avis sur la prochaine réforme PAC, plaide pour une régulation des marchés[65], qui coûte moins cher que les mesures en cas de crise.
Initiatives de terrain
En juin 2018, 6 coalitions nationales ouest- africaines, avec le partenariat de la laiterie Tiviski (Mauritanie) et l’appui d’ONG de solidarité internationale et d’instituts ont lancé la campagne « Mon lait est local »[66], qui demande aux Gouvernements et aux institutions régionales de développer et promouvoir le lait local en Afrique de l’Ouest. La campagne parie sur des alliances avec les industries locales, les ministères et l’administration, les producteurs européens, et sur des alliances entre consommateurs urbains et ruraux, pour mettre en action la priorité au lait local.
Une initiative de lait durable et équitable en France
En France, Biolait, créée en 1994, regroupe 2000 producteurs de lait biologique et assure la collecte et la vente du lait, avec un prix au producteur basé sur les coûts de production, en respectant la charte de Commerce équitable France[67]. Le producteur y trouve rémunération, visibilité et sécurité de débouché tandis que le consommateur a la garantie d’un lait de qualité bio, riche en oméga-3, avec pâturage en prairies permanentes, sans importation de protéines végétales.
- Recommandations vis-à-vis des politiques européennes[68]
* Assurer une politique agricole et laitière équitable et durable
Une réforme de la PAC est en cours de négociation depuis juin 2018 et pourrait être adoptée en 2020 pour la période 2021-2027.
– mettre en place, afin de prévenir les excédents structurels actuels engendrant des exportations importantes de poudre de lait à bas prix, et de rémunérer les producteurs, une gestion de l’offre basée sur un volume de production européen assurant la demande intérieure et l’export – en quantités raisonnables- de produits laitiers à haute valeur ajoutée. Il suffit pour cela d’élargir à toute la production la possibilité donnée dans la PAC actuelle aux appellations fromagères d’origine protégée (AOP) de réguler leur production[69].
– mettre en place, en cas de forte baisse de prix conjoncturelle, un programme de baisse de la production, comme le demandent le Comité européen des régions, European milk board et la Coordination européenne via campesina
– élargir les paramètres aujourd’hui relevés par l’Observatoire européen du marché du lait-MMO (production, prix, exportations, importations) aux coûts de production dans les Etats membres, aux coûts et aux marges de la transformation et de la distribution, ainsi qu’aux aux volumes exportés dans les pays en développement, aux volumes exportés de mélange-MGV, et au prix de ces produits exportés. Ces paramètres sont indispensables pour négocier une répartition équitable de la plus-value au sein de la filière et partir des coûts d’une production durable pour la formation du prix.
– renforcer les organisations de producteurs européens afin d’augmenter leur pouvoir de négociation[70].
– soutenir la transition des élevages laitiers vers une production respectant l’environnement et le climat : pâturage obligatoire, limite de chargement à l’hectare, taille maximale des élevages, prairies diversifiées incluant des légumineuses, soutien aux races locales, soutien à la production biologique, …
– inciter les laiteries actuellement orientées vers la production de poudre de lait et de beurre à s’orienter vers des produits à plus haute valeur ajoutée, d’abord pour le marché européen.
– réaliser une étude publique approfondie de l’impact du mélange MGV sur la santé des consommateurs en comparaison avec le vrai lait.
– attribuer les primes PAC non plus aux hectares mais aux actifs agricoles, pour favoriser l’emploi et stopper la course à l’agrandissement des exploitations.
– éviter toute forme de dumping à l’exportation, en taxant les produits exportés à hauteur du soutien PAC aux exploitations[71].
– supprimer le soutien à la promotion des produits agricoles UE à l’exportation vers les pays en développement.
* Politique commerciale : APE, accord post-Cotonou, OMC
– APE : ne plus exercer de pression sur le Nigéria, qui refuse de ratifier l’APE régional, et les autres pays de la CEDEAO, et utiliser cette situation pour transformer l’APE en un accord de partenariat pour le développement, c’est-à-dire un accord qui privilégie le développement de la production laitière pastorale et agro-pastorale et non plus les intérêts des grandes firmes laitières européennes.
– respecter la souveraineté des pays d’Afrique de l’Ouest lors de la révision de leurs tarifs extérieurs communs en 2020, sans contreparties.
– obliger les exportateurs européens à un étiquetage clair du contenu des exportations de produits laitiers, et supprimer toute confusion possible entre produits laitiers et les poudres mélangées à des matières grasse végétales dans la nomenclature douanière. Traçabilité et transparence doivent être non seulement exigés pour les produits importés dans l’UE, mais aussi pour les produits exportés.
– ne pas négocier d’accord commercial entre l’UE et la Nouvelle-Zélande[72] qui ouvrirait davantage le marché européen aux produits laitiers de ce pays.
– laisser, dans le cadre des négociations de l’accord succédant à celui de Cotonou post 2020, plus de marges de manœuvres aux pays en développement pour adapter, en fonction de l’état de leur économie locale, leurs tarifs douaniers, leurs quotas d’importation, leurs marchés publics, leurs règles pour les investissements étrangers.
- Cohérence des politiques avec le développement
« L’APE contrecarre les efforts de la politique de développement de l’Europe ». Günter Nooke, Commissaire pour l’Afrique de la Chancelière allemande Angela Merkel[75]
– effectuer une évaluation ex-ante de la cohérence avec le développement de la prochaine réforme de la PAC pour la période 2021-2027 avant toute adoption,
– rappeler, comme le demande la Commission Développement du Parlement européen et le Comité européen des régions, le principe de cohérence avec le développement dans les objectifs de la PAC,
– publier les taux de dumping (voir paragraphe 6) des exportations UE de produits laitiers, ainsi que les volumes de commerce intra-entreprises de produits laitiers dans les filiales d’entreprises européennes dans les pays en développement.
– Prévenir, en utilisant le MMO élargi, toute augmentation d’exportation susceptible de perturber la production locale des pays en développement
– Mettre en place, comme le demandent l’IPES[76] et Concord, un mécanisme de plainte accessible aux communautés rurales des pays en développement touchées par la politique commerciale UE.
– Cesser de financer la promotion des exportations agricoles pouvant mettre en danger la production locale des pays en développement.
- Politique européenne de coopération au développement
- appuyer la campagne « mon lait est local » d’Afrique de l’Ouest,
- appuyer les organisations de producteurs et la concertation à l’intérieur de la filière et avec les institutions,
- développer l’appui technique dans la durée afin d’améliorer la collecte du lait local et les performances des mini-laiteries,
- soutenir la promotion des produits laitiers locaux auprès des consommateurs ouest-africains, un étiquetage clair du contenu des produits, ainsi que le renforcement des organisations de consommateurs,
- soutenir les gouvernements ouest-africains à promouvoir les achats institutionnels de produits à base de lait local dans les écoles et via des campagnes d’information grand public.
- ….
- Evénements, échéances
- Elections du Parlement européen du 26 mai 2019
- Journée mondiale du lait – 1er juin 2019
- Négociation de la réforme PAC post 2020 en 2019-2020
- Révision des tarifs douaniers ouest africains en 2020
- Révision de l’accord de Cotonou en 2020
- …….
« En langue peule le lait se dit kossam, ce qui signifie ce qu’il y a de meilleur » [77]
Pour en savoir plus
- La filière laitière locale d’Afrique de l’Ouest
– Prospects for Livestock-Based Livelihoods in Africa’s Drylands, World Bank study, 2016
http://www.acordinternational.org/acord/fr/acord/fr/actualits/autonomiser-les-femmes-productrices-de-lait-au-burkina-faso/
https://www.euractiv.com/section/development-policy/news/eu-africa-free-trade-agreement-destroys-development-policy-says-merkel-advisor
La responsabilité des firmes laitières européennes
https://dm.cor.europa.eu/CoRDocumentSearch/Pages/opinionsresults.aspx?k=(adoptiondate:2017/07/11..2017/07/14)(dossiername:NAT-VI)(rapporteur:CROS)(documentlanguage:FR)
- Avis législatif du Comité européen des Régions sur la réforme PAC post-2020 – dec 2018
https://cor.europa.eu/FR/our-work/Pages/OpinionTimeline.aspx?opId=CDR-3637-2018
[2] L’Autre quotidien – 1/9/2016
[3] Op.cit
[4] Bundesverband Deutscher Milchviehhalter, organisation de producteurs de lait, membre de l’EMB (European Milk Board) – op. cit
[5] Des revendications spécifiques aux acteurs ouest-africains sont développés dans d’autres documents
[6] L’Afrique de l’Ouest a autant de vaches que l’Union européenne
[7] Le lait des petits ruminants joue un rôle important. Il y a plus de lait de brebis que de lait de vache au Mali
[8] 78kg au Mali, 57kg au Niger, 54 kg au Sénégal – recommandation OMS = de 70 à 90 kg
[9] Inoussa Maiga, « la liste des contraintes s’allonge pour les mini-laiteries », Défis Sud, décembre 2015
[10] « Epanouissement et repos de la femme peulh à travers la mise en place de la plateforme lait à Banfora »- étude de cas au niveau de la PIL-B – 2014 – Global trading & consulting group
[11] Promotion du lait local : « On n’y parviendra jamais sans l’aide de l’Etat » – Burkina.com
[12] La laiterie de Fada en quête de matière première – Burkina.com – 2015
[13] La plus grande laiterie du Burkina Faso lutte pour sa survie et son essor- ouaga.com – 2017
[14] Il s’agit ici plus d’un problème de conservation que de qualité bactériologique. En Afrique de l’Est, où 90% du lait consommé est du lait local, les consommateurs le font bouillir systématiquement. C’est aussi ce que faisaient les ménages ruraux européens jusqu’aux années 1960.
[15] Prospects for Livestock-Based Livelihoods in Africa’s Drylands, World bank, 2016
[16] Eurostat – J.Berthelot
[17] Tandis que le TEC actuel va de 10 à 35% pour les produits laitiers transformés
[18] EU agricultural outlook 2018- DG AGRI- 6/12/2018
[19] Etude Oxfam Belgique-SOS Faim-2016
[20] EPA monitoring – 1/03/2018
[21] Note Oxfam-Cirad- pour une alliance renouvelée entre industriels et éleveurs laitiers en Afrique de l’Ouest-2018
[22] huile de palme, coco ou de coprah, qui sont toutes des huiles solides
[23] J. Berthelot
[24] L’Irlande produit beaucoup de crème, pour les crèmes whisky, d’où la production de beaucoup de poudre de lait maigre, que Glanbia vend en Afrique de l’Ouest depuis 1990.
[25] G. Duteurtre – C. Corniaux – « le commerce de poudre réengraissée » – rapport CIRAD – 2018
[26] G. Duteurtre – C. Corniaux – op.cit.
[27] La France avait interdit l’importation de ces mélanges en 1984, notamment pour des motifs de santé publique, mais la Cour de Justice de l’UE a annulé cette interdiction en 1988 pour entrave à la libre circulation des marchandises.
[28] Prix FAB = prix Franco à bord = à la frontière du pays exportateur
[29] Dossier campagne lait Afrique de l’Ouest – 2018
[30] Interview dans Défis Sud – décembre 2015
[31] d’après « Soutenir la filière lait local en Afrique de l’Ouest pour combattre la pauvreté »- CFSI- novembre 2018
[32] Interview dans Défis Sud- op.cit.
[33] Moustapha Dia, président de l’Adena – Sénégal – au séminaire du 26/2/2019 à Paris
[34] France Agrimer -2011
[35] André Pflimlin- « Europe laitière » – 2010
[36] Eurostat. Agriculture statistics – milk – 2016
[37] Pour être plus précis, il faudrait aussi imputer au secteur laitier une partie du budget affecté au secteur des grandes cultures, qui produisent une partie de l’alimentation des vaches laitières.
[38] Mais les aides découplées et les droits de douane élevés sont bien une intervention publique forte sur le marché !
[39] Rapport spécial n°14 – Cour des comptes européenne, 2009
[40] André Pflimlin – op. cit. p 238
[41] A. Pflimlin – 26/2/2019- séminaire « Consommer local, l’avenir de l’alimentation en Afrique de l’Ouest-Paris
[42] Communiqué de presse- Commission européenne – 5/7/2017 – étude A.Fink-Kessler – A.Trouvé pour EMB – juillet 2017
[43] Accord général sur les tarifs douaniers
[44] En fait 4 fois : affaires des produits laitiers du Canada de décembre 2001 et décembre 2002, du coton des USA du 3 mars 2005 et du sucre de l’UE du 28 avril 2005 – documentation OMC – cité par Jacques Berthelot
[45] J. Berthelot, op.cit
[46] Relire le discours de Pascal Lamy, commissaire UE au commerce devant la CIAA (confédération de l’industrie agro-alimentaire) le 19/6/2003 – cité par J. Berthelot – op. cit
[47] Et bien entendu aussi aux grandes exploitations, la majeure partie des subventions étant par hectare, sans plafond.
[48] Interview au Journal du Dimanche-7/7/2008.
[49] dans la PAC actuelle, les prix intérieurs sont souvent plus bas que les coûts de production, ce qui est aussi une forme de protection vis-à-vis des importations, possible seulement avec des subventions aux exploitations.
[50] Calendrier de l’APEi Ghana encore en discussion
[51] J. Berthelot – « vous avez dit libre échange ? – l’APE UE-AO » – L’Harmattan – 2018 – page 53
[52] Cité par J. Berthelot op cit – p 37
[53] Alors que la viande de volaille reste protégée par des droits de douane plus élevés
[54] C’est d’ailleurs un des obstacles à la finalisation de l’Accord de libre-échange avec l’UE qui voudrait lui imposer de réduire ses droits de douane sur les produits laitiers
[55]La clause de la Nation la Plus Favorisée inscrite dans les APEi de Côte d’Ivoire et le Ghana les obligent à accorder à l’UE les avantages tarifaires prévus dans la ZLEC, c’est-à-dire à libéraliser 90% des importations, au-delà des 75% prévus dans les APEi. Les 13 autres pays de l’Afrique de l’Ouest membres de la ZLEC ne pourront taxer que 10% des produits qu’ils s’échangent entre eux, y compris donc des produits UE en provenance du Ghana et de la Côte d’Ivoire. D’où l’empressement de l’UE à appuyer la création de la ZLEC. La CEDEAO devra réviser ses règles d’origine sur la libre circulation des produits agricoles en son sein et surtout les faire appliquer strictement. Voir J.Berthelot – op.cit
[56] Pierre Gattaz, Pdt du MEDEF- Agra presse hebdo – N°3545 – p 46- 9 mai 2016
[57] Danone prépare son avenir en Afrique – Le Monde – 24 février 2016
[58] Ces deux laiteries comptent sur un approvisionnement de 50% par ces fermes laitières. Note Oxfam-Cirad Dec 2018 « pour une alliance renouvelée entre industriels et éleveurs laitiers en Afrique de l’Ouest ».
[59] ROPPA (réseau des organisations de paysans et producteurs d’Afrique de l’Ouest), CPE (Coordination paysanne européenne), FWA (Fédération wallonne de l’agriculture), CBB (Confédération des betteraviers belges), COAG (Coordinadora de agricultores y ganaderos)
[60] Milcherzeuger Interssengmeinschaft (Belgique germanophone), membre de EMB
[61] Fairebel/Fairefaso : un plaidoyer commun et un soutien mutuel pour les producteurs de lait – Agriweb – 2016
[62] Rapport sur la promotion du lait local en Afrique de l’Ouest – 2018- GRET-APESS-RBM-ROPPA-CFSI-ISF – p40
[63] Op.cit
[64] Rapport du GRET sur les politiques fiscale et commerciale de la filière lait en Afrique de l’Ouest – 2018
[65] Recommandation 10 et 11
[66] https://www.supportonslelaitlocal.org/
[67] www.commerceequitable.org – étude de la filière Biolait – janvier 2019 – page 98
[68] Au vu des paragraphes précédents, les politiques ouest-africaines pourraient être améliorées tant au point de vue agricole, fiscal, que commercial, afin de promouvoir le lait local : elles ne font pas l’objet de ce document.
[69] Quotas: comment les fromages AOP protègent les producteurs de lait – www.Lemessager.fr 8/4/2015
[70] Dans la proposition de réforme PAC post 2020, il n’y a plus de plafonds limitant la taille des groupements et leur part de la production
[71] Position de la plateforme française pour une autre PAC- www.pouruneautrepac.eu
[72] Accord en cours de négociation
[73] La PAC post-2020- avis du CdR du 12/07/2017
[74] le prix à l’export ne doit pas être inférieur au « coût total moyen national de production sans subventions ».
du pays exportateur (et non à son prix intérieur comme dans l’actuelle définition)
[75] Euractiv- 7 novembre 2014
[76] Vers une politique alimentaire commune pour l’UE – IPES food – 2019
Principaux acronymes :
Afrique de l’Ouest = CEDEAO + Mauritanie
CEDEAO Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest : Bénin, Burkina-Faso, Cap-Vert,
Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo. Afrique de l’Ouest = CEDEAO + Mauritanie
CIRAD Centre de Coopération Internationale de Recherche agronomique pour le
développement
FAO Food and Agriculture Organization
MGV matières grasses végétales
OMC Organisation mondiale du commerce
ONG Organisation Non Gouvernementale
PAC Politique agricole commune
PLG Poudre de lait grasse (entière)
PLM Poudre de lait maigre
TEC Tarif extérieur commun de la Cedeao
UE Union Européenne
ZLEC Zone de libre-échange continentale
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